À la croisée des chemins

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Plusieurs mouvements et spécialistes des sciences humaines et économiques du développement rural québécois nous partagent l’idée d’une nouvelle intelligence et sensibilité dans les modes d’animation et d’administration de nos villages. Facile à dire … mais par où commencer !  

Un milieu comme celui du Bas-Saguenay est plus que jamais touché par les transformations socio-économiques et technologiques contemporaines. Nous passons de l’ère industrielle à celle des connaissances : il s’agit ici de mieux réfléchir et d’animer de nouvelles initiatives pour non seulement s’adapter à ces grands changements mais surtout pour s’épanouir à travers ceux-ci.

L’ampleur des enjeux environnementaux autour du développement industriel dans le fjord nous oblige à élever le débat. On ne peut plus être simplement pour ou contre, on devra aussi se demander quels chemins emprunter pour vivre autrement, sans ce développement industriel effréné qui est la base de notre système économique capitaliste et dont nous profitons toutes et tous, souvent bien plus qu’on ne le pense.

Presser le citron des ressources naturelles sans trop savoir où cela nous mènera développe un cynisme envahissant et malsain. Pourtant, un monde d’opportunités est à saisir pour améliorer notre vie économique et notre BNB (bonheur national brut).

Dans nos villages, les exemples d’initiatives et de projets privés, communautaires, coopératifs et publics sont nombreux et inspirants. Le Trait d’Union nous en témoigne les bienfaits au fil des saisons.  

Malgré des efforts parfois titanesques, la création de richesses locales durables reste complexe et fastidieuse. Se servir d’une hausse spéculative de l’évaluation foncière, comme nous l’avons fait, pour redorer les bilans familiaux et municipaux n’est pas de la création de richesse durable. L’augmentation de la valeur foncière provoque également une capitalisation difficile des projets d’envergures modestes ou artisanaux, qui correspondent pourtant davantage à nos potentiels. Cette valeur créée artificiellement exige des micro-projets une rentabilité dès le démarrage.

Elle rend également pratiquement impossible les phases d’expérimentation, de recherches et d’erreurs nécessaires propres aux développements de nouvelles initiatives économiques, sociales ou culturelles. Le potentiel et le leadership des aspirants-promoteurs, qui doivent être particulièrement accompagnés au stade embryonnaire, possèdent rarement les ressources pour assumer au démarrage les coûts surévalués de la partie immobilière d’un micro-projet. 

De ces faits, de nombreux acteurs ou spécialistes du domaine de l’occupation du territoire, comme le géographe Rodolphe de Koninck, nous répètent que les processus de planification des schémas d’aménagement locaux doivent être revisités à partir des véritables besoins des individus et des familles. Autrement dit, on doit sérieusement se (re)demander comment l’utilisation du territoire sert à répondre à la vie économique des habitants qui l’habitent. L’approche normative et règlementée doit évoluer vers des méthodes beaucoup plus intelligentes et humaines dictées par le gros bon sens comme le diraient nos ancêtres.

Le chemin des solutions concrètes et durables existe, plusieurs le fréquentent et nous l’indiquent avec conviction et passion mais aura-t-on le courage de s’y engager nous aussi ? Voilà la question. Moi, je crois que ce n’est plus une question de choix.