La collaboration dans le monde agricole de Petit-Saguenay

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Le foin d'Éliane et Julie sur les terres de Denis et Ghislain (crédit photo : Éliane Girard)

Le 17 mai dernier, la municipalité de Petit-Saguenay avait invité ses agriculteurs et agricultrices à un dîner-discussion. L’objectif premier était simple : se retrouver et se donner l’occasion de partager un moment convivial. Le deuxième était de prendre un temps pour discuter des réalités de chacun‧e (défis et enjeux) et réfléchir à des pistes de solutions collectives. Selon Éliane, qui démarre un projet agricole dans le rang Saint-Antoine, « ils se sont sentis écoutés et tout le monde était super satisfait ».

Depuis cette rencontre, quelques actions ont déjà déboulé. Par exemple, un projet est à l’étude pour rendre disponibles des conteneurs à des fins agricoles et ainsi faciliter certaines tâches. Un groupe Messenger et un groupe Facebook ont également été créés avec l’ensemble des agriculteurs pour faciliter la communication et l’entraide entre eux. Ce dernier permet notamment le partage de denrées, d’articles, d’informations ou du covoiturage pour aller chercher des pièces et du matériel.

Cet été, par exemple, Éliane et sa conjointe ont eu l’aide d’autres producteurs pour faire leur foin, trouver un tracteur, leur partager des contacts (fournisseurs, services, etc.) ou encore les former à la traite et aux ouvrages agricoles. « Ils n’étaient pas obligés de faire tout ça ! » me dit-elle. « Les producteurs de Petit-Saguenay nous accueillent… Ils croient en nous et en notre projet. On sent qu’ils veulent que ça fonctionne ». Elle conclut par me dire qu’à « voir ce qui se passe récemment, tous les partages de services et de connaissances, [les producteurs et productrices] savent que la rencontre du printemps est un déclencheur ».

Diane, propriétaire des cerfs rouges de Saint-Étienne, que j’ai croisée aux portes du spectacle de Marguerite à Petit-Saguenay, m’a aussi partagé qu’un méchoui allait être organisé à l’automne pour fêter la fin de la saison entre tous les agriculteurs. « C’est la première année que l’on va faire ça ! » m’a-t-elle dit avec joie. Toutes les entreprises agricoles de Petit-Saguenay sont conviées. « Nous serons environ 50 personnes avec tous les enfants et tout le monde va mettre la main à la pâte », me précise Éliane.

 

Tablée d’agricultrices, élu.e.s et agents de développement lors du dîner-discussion en mai (crédit photo : Juliette Charpentier)

De son côté, la municipalité de Petit-Saguenay sait qu’elle peut endosser un rôle de reconnaissance (communication, sensibilisation) et de soutien (administratif, formations, etc.) envers les agriculteurs.rices qui valorisent les terres de son territoire. Suite à la rencontre du mois de mai, l’équipe des Ateliers des Savoirs Partagés (ASP), composée d’agents municipaux, d’élus, de citoyens et de chercheurs de l’UQAC, semblerait avoir choisi la thématique de la souveraineté alimentaire comme son cheval de bataille. La souveraineté alimentaire c’est « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires. » (Sommet de l’alimentation à Rome, 1996)

Julie sur le tracteur de Denis pour l’aider à enrober sa paille pour l’hiver (crédit photo : Éliane Girard)

Ainsi, dans les trois prochaines années, la municipalité de Petit-Saguenay prévoit donc d’investir du temps, du jus de cerveau et de l’argent pour notamment expérimenter des solutions visant la mise en valeur du travail des agriculteurs, la pérennisation de leurs activités et l’amélioration de leur qualité de vie. L’idée est par exemple émise de mandater un étudiant à la maîtrise pour aller à la rencontre de chaque agriculteur de manière individuelle et effectuer une recherche approfondie concernant les possibilités de mutualisation.

Lorsqu’on parle de mise en valeur du travail des agriculteurs, il y a déjà des activités culturelles au village qui, indirectement, le permettent. Je pense notamment au spectacle Marguerite ou au tour conté d’Élias. « À un moment durant son tour conté, Élias s’arrête en haut de la coulée de Saint-Antoine et nous dit :

« La profondeur des coulées c’est la détermination des premiers qui sont arrivés, et la hauteur des montagnes c’est le courage que ça leur a pris pour rester »

et c’est encore vrai. Les agriculteurs ici sont courageux, audacieux et déterminés pour rester », me confie Éliane avec fierté. C’est la même chose pendant le spectacle Marguerite lorsque les fondateurs du village défrichent les terres à la seule force de leurs bras et que l’on voit le maïs pousser quelques scènes plus tard. Éliane me raconte qu’il « y’a un respect du travail de nos ancêtres dans le métier d’agriculteur puisqu’on garde nos terres en vie. Voir une terre en friche qui est en train de repousser, ça nous fait mal au cœur ».

Étant dans un secteur éloigné et enclavé du Bas-Saguenay, les problématiques exacerbées (coût des intrants, manque de services, délais, impacts environnementaux des transports, etc.) que vivent les producteurs de Petit-Saguenay sont les mêmes à l’Anse-Saint-Jean. « Est-ce que ça serait possible de mettre les deux communautés ensemble ? » se demande Éliane. « Moi je pense que oui, ça serait utile, parce que, veut veut pas, on vit les mêmes réalités ». À l’heure actuelle, les agriculteurs de Petit-Saguenay vont à l’Anse-Saint-Jean, chercher des médicaments et des pièces chez d’autres producteurs, par exemple, mais il y aurait bien d’autres avantages à stimuler l’entraide entre les deux communautés.

Finalement, la collaboration dans le milieu agricole à Petit-Saguenay est palpable entre les producteurs, mais pas seulement ! Une collaboration est aussi délicatement vivante avec le monde de la culture, volontaire avec la vie politique municipale et désirée avec les producteurs voisins.