Quand Cécile Hauchecorne, la coordonnatrice du Trait d’Union, m’a demandé d’écrire l’éditorial d’un numéro consacré au fjord, j’ai accepté sans hésiter. Puis je me suis questionnée : Comment introduire un sujet aussi monumental, aussi iconique que mythique? J’ai choisi très humblement de vous raconter mon histoire, ma rencontre avec lui.
La première fois que je l’ai vu, c’était l’hiver. Venue pour dévaler les pentes de ski et chevaucher mes raquettes à la découverte des montagnes, je l’ai entrevu au travers des branches. Le vent glacial qui fouettait ses caps et son air figé dans le temps n’ont pas séduit immédiatement l’hyperactive que j’étais. Seules quelques maisonnettes colorées déposées sur son toit de glace semblaient lui donner vie.
Et puis un jour, je suis revenue. C’était l’été. Les mouches ayant tôt fait de me sortir du bois, je me suis approchée de lui. J’allais là où j’avais aperçu ce vent souffler le paysage en hiver et où aucune mouche ne pourrait survivre. Et puis je l’ai vu ! Noir, immense, silencieux et mystérieux. Je l’ai senti et tout de suite, j’ai eu envie d’y toucher.
Une excursion en kayak de mer me semblait toute indiquée pour notre première rencontre. Cette journée-là, il pleuvait. À boire debout. La sortie de kayak prévue en fin de journée m’angoissait. Pas question que ce premier rendez-vous soit gâché de la sorte. En appelant l’entreprise de guide pour essayer de remettre ça, on m’informe que l’activité aura lieu malgré le temps et on me prédisait un dégagement autour de 16h00 ! ? Oracle météo bonjour ! Un dégagement à l’heure exacte de la sortie…ben oui !
Forcée de me présenter pour ne pas perdre mon excursion, j’enfile les vêtements et j’écoute le guide nous donner les instructions et techniques de base sous la pluie. Puis, au moment de mettre le nez du kayak à l’eau, un immense rayon de soleil perce la purée de pois. Un pied de vent éblouissant qui saisit le décor et le fige instantanément. Le fjord, d’un seul coup devenu miroir, me regardait droit dans les yeux comme pour me dire, bienvenue chez toi ! C’est ainsi qu’il m’a conquise et que j’ai plongé dans l’aventure !
Je suis revenue quelques temps plus tard et je ne suis jamais repartie. Comme beaucoup de gens qui sont venus s’installer au Bas-Saguenay, le fjord est un facteur important de notre intégration et de notre amour pour la région. Grâce à lui, j’ai rencontré des âmes généreuses et accueillantes, les gens du Saguenay, ces oracles de la météo ! Grâce à eux, j’ai appris à connaître le fjord sous bien d’autres facettes. On m’a raconté son histoire, j’ai découvert ses richesses insoupçonnées, sa structure étonnante, son importance aux yeux de tous. Bien vite, j’ai compris qu’il fait intrinsèquement partie de la vie des gens d’ici. Il est culturel, spirituel et essentiel. Il est économique, dynamique et caractéristique. Il apporte travail, nourriture et inspiration. Il règne sur un royaume de nature et de démesure.
Aujourd’hui, entre le fjord et moi, il y a cette impression de découverte incessante. En travaillant pour le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, chaque jour je découvre un peu plus à quel point ce géant est aussi fragile que puissant. Je suis heureuse de vous présenter ce numéro qui lui est dédié et j’espère que vous y découvrirez un petit quelque chose que vous ne saviez pas encore sur lui. Car l’adage le dit bien : Lorsqu’on connait, on aime. Et lorsqu’on aime, on protège. Bonne lecture.