Dresser un portrait de l’emploi au Bas-Saguenay n’est pas une tâche simple. Les données de Statistique Canada les plus récentes à cet égard datent de 2006, conséquence directe de l’abolition du formulaire long par le gouvernement conservateur lors du recensement de 2011. De plus, aucun des organismes qui œuvre dans le domaine n’a été en mesure de nous fournir des données à cet égard. Notre connaissance de l’économie locale nous permet tout de même de tirer des conclusions qui nous semblent à peu près justes.
Une économie diversifiée
Si on observe le nombre d’emplois par secteur industriel, on constate que celui-ci est très similaire aux moyennes québécoises, à quelques différences près. L’agriculture, la foresterie et le secteur des ressources naturelles occupent encore une place importante au Bas-Saguenay, avec environ 10 % du total des emplois. C’est beaucoup plus important que la moyenne québécoise, mais c’est caractéristique d’une région/ressources comme la nôtre. L’agriculture demeure un secteur important, à Petit-Saguenay et à L’Anse-Saint-Jean tout particulièrement, alors que la foresterie a connu des jours meilleurs. La fermeture de la Coop Quatre Temps fait en sorte que les entreprises qui interviennent en forêt sont maintenant toutes situées à l’extérieur de la région, ce qui n’est pas pour favoriser l’embauche de travailleurs du Bas-Saguenay.
La construction et la fabrication comprennent 20 % des emplois occupés par la population du Bas-Saguenay. Ce sont des secteurs qui sont en déclin. La relance de l’usine de sciage de Petit-Saguenay en est un bon exemple, puisque le nombre d’emplois qui seront créés par les nouveaux propriétaires est en-deçà de ce qui prévalait auparavant. La baisse marquée du marché immobilier a pour sa part particulièrement affecté le secteur de la construction et ce non seulement dans la région, mais également partout au Québec. À L’Anse-Saint-Jean par exemple, on note une baisse de 17% de la valeur des permis de construction et de 42% de la valeur des permis de rénovation en 2015 par rapport à 2014.
Les services de toute nature comptent pour 70 % des emplois. Si les coupures du gouvernement du Québec ont affecté le secteur des services gouvernementaux, le commerce de détail et les services de proximité demeurent fragiles. La fermeture de la quincaillerie de Saint-Félix-d’Otis en est un exemple frappant. Le maintien d’un service d’essence dans cette même municipalité a aussi été tout un défi à relever. Somme toute, la compétition importante qu’exercent les commerces de la Ville de Saguenay et le commerce en ligne sont des menaces importantes pour le maintien de nos commerces de proximité et des emplois dans ce secteur.
L’industrie touristique a joué au cours des années un rôle très important en matière d’embauche. Le Site de la Nouvelle-France, le Parc national du Fjord-du-Saguenay, le Mont-Édouard, le Village-Vacances Petit-Saguenay et toutes les petites entreprises qui constituent l’offre d’hébergement, de restauration et d’activités permettent à un nombre considérable de personnes et de familles de demeurer dans leur milieu. Si c’est un secteur très vigoureux, les emplois sont essentiellement saisonniers et se rapprochent généralement du salaire minimum. En matière d’emploi, c’est souvent un revenu secondaire pour un ménage, qui doit généralement compter sur une autre source de revenu plus importante pour arriver à joindre les deux bouts.
Un taux de chômage en baisse
La diversification observée au niveau économique a grandement fait chuter le taux de chômage au cours des dix dernières années dans la région, même s’il semble y avoir une certaine recrudescence récemment. À Petit-Saguenay, qui est la seule municipalité pour laquelle des statistiques avancées sont disponibles pour le recensement de 2011, on note une baisse du taux de chômage de 25,4% à 13,4% sur une période de dix ans, alors même que le taux d’activité (la proportion de personnes sur le marché du travail) passait de 51,8% à 56,8%. La situation est certainement la même dans les autres municipalités du Bas-Saguenay, si l’on se fie à l’évolution du taux de chômage de la région économique à laquelle nous appartenons, pendant la même période.
Qu’est-ce qui explique qu’il y a plus d’emplois dans le milieu et dans les régions environnantes ? D’abord, l’économie locale, qui a historiquement été très dépendante du secteur des ressources, s’est diversifiée, notamment avec l’essor des services et le développement d’une industrie touristique forte. Ensuite, il s’est créé beaucoup d’emplois du côté de la Ville de Saguenay, au Saguenay – Lac-Saint-Jean en général et du côté de la Côte-Nord. Les grands chantiers de l’État et de la grande entreprise ont joué un rôle important, mais l’entrepreneuriat privé s’est également développé et a pu prendre en partie la relève là où l’État s’est désengagé. En effet, comme l’explique Christine Bouchard, directrice générale de la SADC du Fjord, « la grande entreprise emploie de moins en moins de gens, et même au niveau des grands projets, ils sont actuellement moins présents. On a donc tous des efforts à fournir et des défis à relever pour la diversification de notre économie. »
Du travail à géographie variable
Malgré tous les progrès, le nombre d’emplois disponibles demeure moins élevé per capita dans le Bas-Saguenay que les moyennes québécoises. Ces emplois ne sont pas toujours de très bonne qualité non plus. Il n’est donc pas étonnant qu’une proportion très importante de la population occupe des emplois à l’extérieur de leur municipalité. Dans ce domaine, le contraste est assez frappant entre les municipalités qui sont plus près de la ville de Saguenay et celles qui en sont éloignées. Ainsi, à Saint-Félix-d’Otis et Rivière-Éternité, c’est 80 et 90 % de la population qui travaille à l’extérieur, alors que cette proportion chute à entre 40 et 50 % pour les municipalités de L’Anse-Saint-Jean et Petit-Saguenay.
Malgré quelques exceptions, l’essentiel des emplois est donc concentré à L’Anse-Saint-Jean et Petit-Saguenay, qui comptent ensemble pour plus de 80% des postes offerts au Bas-Saguenay. L’Anse-Saint-Jean est un centre de service très important, avec une industrie touristique diversifiée, autant en été qu’en hiver. Petit-Saguenay a pour sa part une bonne diversité économique, qui touche à l’agriculture, l’industrie forestière, la fabrication artisanale, la chasse, la pêche et le tourisme. De plus, le Domaine Laforest à Sagard embauche un nombre très important de travailleurs en provenance de Petit-Saguenay et L’Anse-Saint-Jean. L’éloignement relatif de L’Anse-Saint-Jean et Petit-Saguenay par rapport à la ville de Saguenay est un facteur déterminant dans le maintien de ces emplois et d’une diversité d’opportunités économiques.
Des perspectives d’avenir
Toutefois, la structure économique du Bas-Saguenay demeure très dépendante des grandes tendances macroéconomiques, que ce soit la fluctuation du taux de change, les politiques économiques de nos gouvernements ou la mondialisation des marchés. La faiblesse actuelle du dollar canadien favorisera par exemple le développement des emplois dans l’industrie touristique. La chute marquée des mises en chantier observée en 2015 au Québec, au Canada et aux Etats-Unis a pour sa part grandement affecté l’industrie de la construction. Les politiques d’austérité appliquées par le gouvernement du Québec ont affecté le nombre de chantiers routiers et réduit le nombre d’emplois dans les services publics. Ces tendances sont par contre conjoncturelles et seront appelées à évoluer au cours des prochaines années.
De plus, comme l’explique Camil Morin, coordonnateur au développement local de la SADC du Fjord, les régions du Québec participent grandement à la croissance du PIB de la province, particulièrement dans le domaine de ressources naturelles et de la fabrication. Elles sont par contre victimes de leur productivité, puisque l’emploi lu, ne suit pas la progression. La modernisation des équipements et l’automatisation en seraient la cause. Le célèbre savant Albert Einstein affirmait que « la folie, c’est de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » D’après Marc-Urbain Proulx, économiste à l’UQAC, cette citation illustre parfaitement la façon dont notre région s’y prend depuis les quatre dernières décennies en matière de développement économique.
Comme le démontre l’évolution du portrait économique des dix dernières années au Bas-Saguenay, une bonne partie de la solution en matière de création d’emplois vient de l’entrepreneuriat privé. Toujours selon Mme Bouchard, « il s’est fait beaucoup de sensibilisation à ce sujet au cours des dernières années, entre autres avec des concours en entreprenariat et le travail des établissements d’enseignement. » Marie-Hélène Bradette, agente de sensibilisation au Carrefour Jeunesse Emploi de La Baie, abonde dans le même sens : « dans les dix dernières années, j’ai constaté un grande augmentation du nombre de jeunes qui expriment leur désir de se partir en affaires. C’est encore plus marqué dans les petites municipalités, où les jeunes semblent être plus entrepreneurs dans l’âme. »
La rétention de la main d’œuvre est par contre un défi. Comme l’explique Camil Morin, « les jeunes se déplacent vers les grands centres et s’ils n’y trouvent pas d’ouvrage ils s’en vont à Québec et à Montréal. Si on veut garder nos jeunes, il faut les faire travailler ! Ce qui manque, en fait, c’est un meilleur arrimage avec les besoins de l’entreprise. On a plein d’offres d’emploi, mais on manque souvent de personnes formées pour les remplir. »
Le défi de l’emploi dans le Bas-Saguenay est donc en quelque sorte triple. D’un côté il faut s’assurer d’avoir des emplois à offrir à la population locale et particulièrement aux jeunes, qu’ils soient natifs ou nouveaux arrivants. De l’autre, il faut que ces mêmes jeunes développent les compétences nécessaires pour occuper ces emplois et que les travailleurs plus âgés s’adaptent aux nouvelles réalités du marché. Finalement, il faut que les efforts de développement soient tournés davantage vers l’innovation, la création de produits et services distinctifs, ou la consolidation des services existants pour atteindre le seuil nécessaire à leur rentabilisation.