Les jardins de la montagne soufflent leur 25e bougie

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25 années plus tard, Gilles Arseneault et Anne Gaudreault croient toujours profondément au maraîchage biologique.

Nous rencontrons les fondateurs de la coopérative maraîchère Les jardins de la montagne dans leur cuisine pour remonter à la fondation de leur entreprise, en 1999. Un quart de siècle, c’est vite passé! « On a l’impression qu’on vient de commencer, on est aussi enthousiastes chaque année! » déclare Anne, d’entrée de jeu. Après un mois de repos au terme d’une saison bien remplie, le couple, infatigable, est déjà prêt à recommencer : publier les offres d’emplois pour le recrutement, passer les commandes les semis et décoller les plants de tomates en attendant la fonte des neiges.

Fiers ambassadeurs de l’agriculture biologique au Québec

Dès les premières années, Gilles et Anne ont travaillé à démocratiser l’agriculture biologique dans la région: « Il fallait expliquer c’était quoi, les gens ne connaissaient pas ça! On a fait des conférences, on est allés au Café Cambio par exemple. On avait des formulaires d’inscription papier pour les paniers, et les gens s’inscrivaient sur place. On allait mettre des affiches partout, pour se faire connaître ». La société a beaucoup évolué en 25 ans sur le plan de l’alimentation. En 2006, leur premier site internet est mis en ligne, avec un formulaire à imprimé et renvoyé par la poste; puis, les chèques postdatés sont remplacés par l’arrivée du virement direct, qui permet le dépôt instantané dans les coffres. L’arrivée du numérique a grandement facilité la logistique administrative des inscriptions, mais aussi des commandes de semis, par exemple. « C’est bon de se le rappeler, qu’avant, c’était vraiment pas si simple, et comment rapidement ça a changé pour nous faciliter la vie. »

Géographiquement éloignés de l’épicentre du mouvement bio, Gilles et Anne ont dû faire preuve de persévérance et de débrouillardise. « Notre voisin le plus proche que je pouvais appeler pour des conseils, c’était une ferme à Sainte-Geneviève-de-Batiscan, près de Québec », témoigne Gilles. « On n’avait pas l’accès à internet, ni de formation; on était loin des services de la MAPAQ, bref on avait pas mal moins de ressources qu’aujourd’hui, et on vivait beaucoup d’isolement. Mais malgré un meilleur accès à l’information, ça reste difficile de démarrer une ferme, et en retirer une rémunération. »

Résister contre vents et marées

À l’époque, démarrer un projet de coopérative maraîchère au bout du rang Saint-Louis, «il fallait être un peu fou. » Dans l’entrepreneuriat, la perfection n’est jamais atteinte, il y a toujours des objectifs à atteindre. La première mission de l’entreprise, c’est d’atteindre un certain rendement pour pouvoir se payer des salaires et en vivre. Anne se repose sur sa carrière d’enseignante, qui permet le démarrage de la ferme. « Ça n’a pas été facile, mais on y est presque. Ceux en démarrage, je connais leur réalité, je sais ce qu’ils vont vivre. » C’est notamment pour cette raison que le couple se dit toujours ouvert à donner au suivant et prodiguer des conseils à ceux qui le demandent, toujours dans l’optique de soutenir le développement du maraîchage biologique.

Leur parcours est ponctué de hauts, mais aussi de moments difficiles : déficits, nuits sans dormir, maladies dans le sol, écrasement des serres en 2010, sous le poids de la neige. Il faut trouver une solution, il n’y a pas d’autres options que de trouver le moyen d’acheter une nouvelle serre pour le printemps, même si l’entreprise n’a pas les fonds. Le projet de la ferme est toujours plus important que les difficultés rencontrées. « Ne pas toucher à la terre une année, ça serait comme une journée sans aller dehors, ça ne se peut pas dans ma tête, c’est un besoin. Ce n’est pas juste une entreprise, mais un mode de vie », raconte Anne.

Une fenêtre sur le monde

Le maraîchage, c’est difficile, mais ça tisse des liens entre ceux qui travaillent la terre, jour après jour. Anne et Gilles témoignent du passage des gens de partout dans le monde, au fil des années, dont certains qui viennent vivre l’expérience de travailler en échange du gîte et du couvert. « Du monde trippant avec de nouvelles idées. » Plusieurs avec qui ils ont gardé contact : « On reçoit encore des cartes postales des fois, c’est le fun! » Ils comptent une demi-douzaine de fermes au Québec qui ont fait leurs armes aux Jardins de la Montagne avant de fonder leur propre entreprise. « C’est la transmission, la roue qui tourne. Tiens par exemple, Anne et Marc de Repentigny : ils se sont rencontrés ici, sur le vieux chemin, et ils ont maintenant une ferme et 3 enfants », illustre Gilles.

Anne et Gilles croient toujours profondément au maraîchage biologique, et apprécient la proximité de leur service : « C’est un rôle de fermier de famille. On connaît les gens à qui on vend les légumes, ce n’est pas aussi anonyme que peut l’être un marché public, par exemple. » « On veut que ça se poursuive dans le temps, pour 25 ans encore. On a démarré cette idée-là à deux, et on y travaille passionnément encore », raconte Gilles. Aujourd’hui, la ferme fait face à de nouveaux défis, comme le manque de main-d’œuvre, et la relève, mais ils sont confiants que la passion de leur travail leur assurera la pérennité. L’histoire de la ferme, c’est aussi l’histoire d’amour de Anne et Gilles, qui sont avant tout des amoureux qui aiment travailler ensemble. « Le mot retraite ne fait pas partie de notre vocabulaire », conclut Anne.