Résumé historique de la création d’un parc qui fêtera ses 20 ans en 2018 !
L’intérêt populaire pour la protection des milieux marins au Québec ne date pas d’hier. Au début des années 70, sous l’impulsion de citoyens militants, naissaient les premiers mouvements en faveur de la protection de l’environnement marin. Déjà à cette époque, tant au niveau national qu’international, le fjord du Saguenay et son embouchure dans l’estuaire du Saint-Laurent ressortent de par leur unicité et leur importance pour la conservation. C’est là en effet, dans le secteur de la confluence, que des centaines d’espèces d’oiseaux, de poissons et de mammifères marins convergent chaque année pour profiter d’une gigantesque source de nourriture.
Les voix des pionniers de la recherche s’élèvent dès lors pour sensibiliser les gouvernements fédéral et provincial et les divers organismes voués à la conservation dans la région, aux bénéfices écologiques et touristiques que représenterait la création d’un parc marin dans ce secteur.
Les étoiles alignées pour la création d’un parc marin
C’est en 1986 que la mobilisation populaire commence à se faire vraiment sentir. La situation critique du béluga du Saint-Laurent, une espèce en voie de disparition[1], et la pollution du fleuve Saint-Laurent réveillent l’opinion publique. De grandes organisations telles que le Fonds mondial pour la nature (WWF) et Greenpeace s’intéressent au problème. À leur initiative, une série de consultations, de séances d’information et de programme d’éducation et de sensibilisation débutent alors auprès des instances gouvernementales, régionales et des populations locales.
Ces nombreuses rencontres menèrent à la mise sur pied de la Coalition pour le parc marin Saguenay–Saint-Laurent. Réunissant 27 groupes régionaux partisans de la conservation du patrimoine marin, la Coalition multiplie les interventions politiques et publiques. En 1988, elle organise le Forum international pour l’avenir du béluga à Tadoussac. Plus de 100 chercheurs y assistent. À l’issue du forum, la création d’un parc marin ressort comme une des principales stratégies pour favoriser le rétablissement de cette espèce.
Au cours de la même année, les gouvernements canadien et québécois annoncent le lancement du Plan d’action Saint-Laurent, une initiative conjointe visant entre autres à réduire de 90% les rejets liquides toxiques dans le fleuve Saint-Laurent et le Saguenay. Une des recommandations de ce plan suggérait également l’implantation d’un parc marin à l’embouchure du Saguenay pour appuyer les efforts de protection, de restauration et de conservation du fleuve Saint-Laurent.
Profitant du momentum pour faire accélérer les choses, une conférence de presse est organisée à Québec en 1989 pour dévoiler les résultats d’un sondage[2] démontrant que 83% des résidents de la région du Saguenay soutiennent le projet de parc marin dans ce secteur. Reconnaissant le rôle majeur des groupes environnementaux et l’engagement des populations locales dans l’intérêt de la protection du milieu marin, les gouvernements du Canada et du Québec signent, le 6 avril 1990, une entente historique pour la création du parc marin du Saguenay.
Deux séries de consultations publiques sont alors organisées à Montréal et dans plusieurs municipalités riveraines, dont La Baie, La Malbaie et Tadoussac, pour déterminer les limites et la mise en valeur du parc marin. Communautés locales et régionales, peuples autochtones, groupes environnementaux et monde scientifique sont au rendez-vous et appuient largement la création d’un parc marin.
Le 10 juin 1998 marque donc le jour officiel de la mise en œuvre du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, avec l’entrée en vigueur des lois miroirs fédérale et provinciale. C’est ainsi qu’il y a 20 ans, une mobilisation citoyenne sans précédent menait à la création de la toute première aire marine protégée au Québec. Jamais un processus d’implantation d’une aire protégée n’avait impliqué autant les populations. Plus novateur encore, un comité de coordination regroupant des représentants régionaux, les communautés autochtones et le milieu de la science et de l’éducation a été mis sur pied, et inscrit dans les lois constituantes, afin de participer à la planification et à la gestion du parc.
[1] En 1983, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) désigne béluga du Saint-Laurent « en voie de disparition » pour le modifié en 2004 « espèce menacée » suite à l’adoption de nouveaux critères quantitatifs de classification. En 2014, le COSEPAC a à nouveau attribué le statut d’espèce « en voie de disparition » au béluga du Saint-Laurent, dans le cadre de la réévaluation aux 10 ans.
[2] SORECOM, 1989. Le Fonds mondial pour la nature, Canadiens pour l’avancement de l’écologie, Greenpeace. Rapport d’un sondage. 8 pages.