Que faut-il pour nourrir un village?

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Les fermières de Saint-Fulgence à l’œuvre. Crédit photo : Sandra Mélanie Photographie

Le temps des Fêtes est l’occasion de se réunir, mais aussi de manger. Les pâtés à la viande, les tourtières, les tartes, les pains-sandwichs et les invités combleront bientôt nos tables. Nous reprendrons des forces pour retourner au travail en pleine forme. Ce temps est donc l’occasion de penser à ce qui nous nourrit. Il y a plusieurs manières de comprendre le verbe « nourrir ». Les textes sacrés disent que l’amour de la vertu nourrit la force d’une âme. On dit qu’on peut nourrir son imagination et qu’il faut « nourrir l’espoir » pour traverser les difficultés. Mon grand-père me disait que la « bonne terre » nourrit les arbres.

Encore mieux, une amie m’a un jour demandé, out of the blue : « qu’est-ce qui nous nourrit, au fond »? J’ai senti dans le ton de sa voix qu’elle ne parlait pas de patates jaunes, de ragoût mijoté ou de dinde élevée en liberté. Nous pouvons tous comprendre le sens de sa question – je crois. En témoigne le sentiment intuitif que ce ne sont pas seulement la nourriture et le sommeil qui nous nourrissent. Le sentiment d’urgence, le désir de changement, la nécessité d’amener son jeune à l’école, le plaisir éprouvé en équipe de travail, le sens des responsabilités, le devoir d’éteindre un feu, la passion d’aider les autres, le sport – et j’en passe – sont des choses qui nous nourrissent.

Deux évènements qui ont eu lieu à Saint-Fulgence dans le dernier mois nous ont nourris – autant au sens littéral que figuré. Le 13 novembre, le Café communautaire des Marées recevait les employés de la boulangerie Chez Roger pour le traditionnel party de Noël. Bien sûr, c’est une manière de rentabiliser le fonctionnement du Café, en plus de faire un lieu de rassemblement et de célébration pour notre entreprise locale! En cuisine le matin même, Candice travaillait sans arrêt à préparer des salades, des desserts et des pains pour une trentaine de personnes. À l’avant, Maryse et Marie préparaient les cafés pour la foule bondée qui occupait le local à ce moment!

J’ai demandé à Candice en quoi son implication au Café la nourrit personnellement : « Je dirai que mon implication au Café s’est faite de manière très spontanée. Je suis arrivée à Saint-Fulgence, il y a quelques mois maintenant et j’ai tout de suite développé un attachement particulier pour le village. Il y règne une solidarité que je n’avais pas encore eu l’occasion d’expérimenter auparavant, mais qui semblait pourtant m’animer de manière assez fondamentale. Le Café a pour vocation de fédérer et étayer la population du village, créer du lien entre les habitants en devenant un lieu de rencontre. C’est le partage qui s’articule autour de ce beau projet communautaire qui me nourrit. J’aime notre village et j’aspire à ce que le monde s’y sente aussi bien que je m’y sens ».

Quelques jours plus tard, je lui demande si ce premier souper était un succès, malgré tout le travail que cela demande! Elle me répond que « Le premier souper d’employés s’est très bien passé! Je pense que l’offre et le service ont satisfait toutes les personnes de Chez Roger qui étaient présentes. C’était un moment convivial, autant durant la préparation que lors de la soirée. Cela a été possible grâce à l’aide des bénévoles qui m’ont prêté main forte pour cuisiner et accueillir le public attendu ». Puis, à savoir en quoi ce type de soirée est important pour l’avenir du Café communautaire : « C’est en cela que c’est important pour la vie du café; pas seulement pour la visibilité et la rentabilité de l’établissement, mais aussi et surtout car ce sont des occasions pour les habitants du village de s’impliquer dans la vie locale tout en partageant des moments agréables et en bonne compagnie! Nous essayons de l’être en tout cas ! ».

Le 13 novembre, c’était aussi la deuxième édition du Marché de Noël du Cercle des fermières de Saint-Fulgence. Pour l’occasion, les fermières nous accueillaient dans le centre multifonctionnel Michel-Simard, accompagnées de leurs tricots, centres de tables, nappes, foulards, serviettes – le tout confectionné minutieusement avec les métiers à tisser dans leur atelier au sous-sol ! Quelques centaines de personnes sont passées dans la journée, et les fonds récoltés ont été remis aux maisons d’hébergement pour femmes de Chicoutimi et de La Baie. Josée, une fermière, m’a expliqué que leur mission est de venir en aide aux femmes victimes de violence, et qu’en ce moment, comme on le sait, il y en a plusieurs qui ont besoin d’aide. Devant l’une de leurs magnifiques créations, dans le chœur de « l’Église », Fabienne me dit que le but de leur artisanat est aussi de montrer qu’il est possible de mettre en valeur l’environnement naturel, en utilisant des matériaux recyclés et des produits de la forêt dans leurs confections. Les oursons en peluche sont en harmonie avec les branches et les sapins, le tout est récupéré et mis en valeur.

Simone Weil, une philosophe française, disait qu’« On doit le respect à un champ de blé, non pas pour lui-même, mais parce que c’est de la nourriture pour les hommes ». Qui oserait piétiner un champ de blé mûr? On ne sacrifie pas de la nourriture! De la même manière, selon elle, on doit le respect à nos familles et à nos collectivités, parce que ce sont les formes sociales qui nous nourrissent. Nos liens sont sacrés et méritent d’être entretenus.

Enfin, j’ai trouvé une réponse pour mon amie. Ce qui me nourrit, au fond, c’est de manger le pain de mon village et d’y prendre un café bien entouré. C’est de mettre sur ma table une nappe confectionnée par notre cercle des fermières. Notre village, c’est plus qu’un village, c’est lui qui nous nourrit.

Joyeux temps des fêtes avec ceux et celles qui vous sont proches!