La maison dans laquelle vit Charles-Arthur Côté, sur la Coulée à Petit-Saguenay, c’est la maison où il est né, il y a maintenant presque 92 années. « La chambre où je suis né, je couche là encore ! » me confirme ce joyeux doyen de la municipalité. Son père, Arthur Côté, le célèbre grand-père des histoires d’Élias, et sa mère, Maria Houde, ont eu 7 enfants, 4 garçons et 3 filles, dans cette maison qu’Arthur a bâti avec son père Charles.
« Mon père Arthur, il a été élevé à L’Anse-St-Jean, au pied du chemin des Côteaux. Moi je me retrouve à avoir le nom de mon père et celui de mon grand-père ! » C’est au début du siècle dernier que le père de Charles-Arthur est venu s’installer avec son père sur la Coulée. Ce n’était pas défriché, tout en bois debout, alors ils se sont bâti un camp et ils ont travaillé fort pour transformer l’endroit en terre agricole. « Le grand-père était avec ses deux derniers garçons, Félix le plus jeune et mon père Arthur. Les autres étaient déjà mariés et ils sont restés à L’Anse-St-Jean. Mon grand-père Charles, il voulait donner la terre à mon père, mais mon père ça l’intéressait pas l’agriculture, lui sa passion c’était la rivière à saumon ! Ce sont alors ses frères de L’Anse-Saint-Jean, mes oncles qui sont venus s’installer ici», se rappelle Charles-Arthur en souriant.
La vie sur la Coulée n’était pas toujours facile pour les enfants qui devaient parcourir 2 miles (3,2 kilomètres) tous les matins pour se rendre à l’école du village, près de l’église. « À cette époque, le village était pas gros, pas plus d’une dizaine de maisons, et il y avait deux écoles près de l’église. J’ai commencé à y aller à l’âge de 7 ans. L’hiver, à pied, avec nos petits rubber, des petites culottes d’étoffe, caleçons en flanelle, c’était pas chaud ça ! Et même quand on était mouillé, le bedeau, celui qui nous faisait l’école, il débarrait la porte quand il voulait, il aimait pas les enfants je crois ! »
Il y avait une messe avant l’école, tous les matins à 7h00 et la grande messe le dimanche était à 9h00. Alors il fallait partir tôt le matin, avec juste dans le ventre le repas de la veille au soir. Difficile d’oublier pour Charles-Arthur : « On pouvait juste prendre une gorgée d’eau avant d’aller à confesse et de communier ! Avec comme dîner des beurrés de sirop ou des galettes blanches, c’est comme ça que j’ai pas grandi ! »
Charles-Arthur est resté à l’école jusqu’à l’âge de 13 ans mais déjà à cette époque, il travaillait tout l’été avec ses frères au moulin à scie de Jo Houde à Saint-Antoine. « C’était environ 10 miles dans le bois après le barrage. Avec mes frères, les plus vieux, on passait la semaine là, on descendait à pied, on allait à la messe le dimanche pis on remontait, toujours à pied, dans l’après-midi pour travailler le lundi matin… c’était ça nos vacances ! »
« Faut pas croire, j’en ai eu en masse de beaux souvenirs, y’a pas juste eu l’école ! On n’aimait pas l’école parce que c’était loin, en plus moi j’étais gaucher alors je me suis fait battre. C’était terrible, une règle avec un pouce d’épais en merisier ! Maintenant je travaille de la main gauche, je fais tout de la main gauche mais j’écris de la droite, très mal d’ailleurs c’est sûr ! »
Dès l’âge de 9 ans, Charles-Arthur attelait son cheval pour mener le lait à la fromagerie. Il était bon des chevaux, comme on dit ! Il a tout fait avec, labourer, moissonner, faucher, racler, herser, fouler des voyages de foin, faire des vailloches, mais aussi passer de nombreux hivers dans le bois. Les chevaux travaillaient fort mais ils étaient heureux avec Charles-Arthur, il n’était pas dur avec eux ! Quand les tracteurs sont arrivés, il a arrêté de travailler pour les fermes, ça ne l’intéressait pas les tracteurs !
Puis est arrivé le travail comme gardien de la rivière au Club des messieurs. Charles-Arthur se rappelle : « Les américains, propriétaires des chalets, voulaient que mon père ait un de ses garçons avec lui, pour la relève, pour quand il prendrait sa retraite. Les plus vieux ne voulaient pas, j’étais moins pêcheur qu’eux autres mais ils voulaient pas pantoute ! Je vais y aller d’abord ! Quand il avait besoin, mon père, c’était tout le temps moi ! Mais j’aimais ça être avec lui, c’était un raconteux d’histoires ! »
Charles-Arthur est allé suivre une formation à Nicolet pour devenir garde-chasse. « Les gens ne m’aimaient pas, je me faisais tirer des roches mais j’en ai ramassé des canots et des filets ! Je travaillais la nuit, j’étais tout le temps tout seul, je voulais pas avoir d’arme avec moi, je me suis même fait serrer le cou une fois. Tout le monde nous haïssait mais sans nous autres, y’aurait peut-être plus de saumon à c’tte heure ! » poursuit Charles-Arthur sans le moindre regret. « Mon père, c’est lui qui a pris le plus gros saumon de la rivière, 45 livres ! C’était pour un américain ! Et il n’a pas pris ça avec un filet mais avec une perche et une ligne ! Mon père, c’était un vrai pêcheur, mais ma mère elle était tannée d’arranger de la truite ! La truite de mer, elle mange les œufs de saumon, alors on en mangeait de la truite ! On mangeait quand même aussi du lièvre et de la perdrix ! »
Je ferme ma petite enregistreuse, même si Charles-Arthur, tout comme son père, est un fameux raconteux d’histoires. Faut croire que la rivière Petit-Saguenay, « La dame du fjord », est une grande source d’inspiration. À la revoyure Charles-Arthur, on écrira le prochain chapitre !