On se souviendra longtemps de l’été 2016 chez les acteurs de l’industrie touristique. Partout, les entreprises touristiques débordaient et peinaient même à répondre à la demande. En fait, on a rarement sinon jamais vu autant de touristes dans la région. Bilan d’un été exceptionnel.
Cet été, les touristes européens, américains et ontariens ont déferlé sur le Québec. Comme l’indique Jérôme Gouron, directeur du Parc national du Fjord-du-Saguenay, «Tout le Québec s’est fait arroser de touristes. Le dollar faible nous a servi excessivement bien. On peut aussi saluer les campagnes promotionnelles effectuées par l’ATR Saguenay – Lac-Saint-Jean et Tourisme Québec. » Si le Parc du Saguenay a profité d’une hausse d’achalandage estimée entre 10 et 15%, le portrait est similaire dans tout le réseau de la SÉPAQ.
Le Québec profiterait donc présentement de facteurs conjoncturels très favorables au tourisme, comme la faiblesse du dollar canadien ou la menace sécuritaire en Europe, ce qui favoriserait le tourisme en provenance de l’international. Du côté de Fjord en Kayak, du Bistro de L’Anse et de l’Auberge La Fjordelaise, on signale en effet une hausse importante des touristes américains.

Le tourisme intérieur n’est pas en reste. En effet, les Québécois, tout comme les Canadiens en général, ont été plus nombreux à bouder les voyages à l’étranger pour privilégier des destinations plus près de chez eux. Le Village-Vacances Petit-Saguenay, dont la clientèle est essentiellement composée de Québécois, a connu une hausse de 10% de son achalandage cette année. Selon Franck Turcotte, son directeur général, « on doit retourner jusqu’en 2007 pour connaître un été équivalent en nombre de nuits vendues. »
Richard Bernier, directeur de la Rivière Petit-Saguenay, constate aussi une hausse de la clientèle québécoise et pointe du côté de la météo : « On a eu un petit peu plus d’Européens, mais surtout plus de Québécois. La température a beaucoup aidé au mois d’août et début septembre. On a eu plus de clientèle au camping et on a vendu davantage de descentes en canot. » Sylvie Major de Fjord en Kayak, note également le développement d’une nouvelle clientèle québécoise, qui provient de l’immigration récente : « On voit de plus en plus d’immigrants qui résident à Montréal et qui décident de profiter de leurs vacances pour visiter la région. »
Le rôle joué par la navette maritime des Croisières du Fjord semble aussi être très important, particulièrement du côté de L’Anse-Saint-Jean. Pour Claudia Labrèche des Rebelles des Bois, dont près de 20% du chiffre d’affaires proviendrait des croisiéristes, les changements effectués cette année à l’horaire des croisières auront été très appréciés tant du côté de la clientèle que des commerçants : « Les croisiéristes avaient un plus grand laps de temps à passer parmi nous. Ils avaient le temps de manger, de fréquenter les boutiques et de prendre une marche. Ils étaient beaucoup moins stressés que dans les années passées. »
L’afflux de touristes dans le Bas-Saguenay semble avoir profité à tous. Comme l’indique Dolande Fortin, présidente de la CDE de Rivière-Éternité, « on a refusé des demandes de réservation tous les soirs en août. En fait, l’achalandage de l’Auberge du Presbytère a doublé pour la période de mai à août par rapport à l’an dernier ! »
Toutes les entreprises d’hébergement consultées abondent dans le même sens. Le Gîte Marie-Claire de Petit-Saguenay, par exemple, a été plein tous les soirs de la mi-juillet à la mi-septembre. « En 18 ans d’opération du gîte, j’ai jamais vu ça ! s’exclame Marie-Claire Houde. On a refusé de la clientèle tous les soirs pendant la saison. » Rita Gaudreault, de l’Auberge la Fjordelaise de L’Anse-Saint-Jean, signale que la tendance se maintient pour tout l’automne : « Nous sommes déjà bookés jusqu’à l’Action de Grâce. Mais c’est certain que si l’automne est pluvieux, il y a des risques d’annulation. »

La Fjordelaise, qui fait aussi dans la restauration, a connu aussi une belle augmentation de ce côté. « Pour la restauration, ça a été notre meilleure année pour les repas du soir en 11 ans d’opération. » Le portrait est similaire au Bistro de L’Anse, où la directrice administrative Marie-Noëlle Côté fait état d’une augmentation de près de 40%: « Le printemps a été particulièrement bon cette année, malgré la température, et l’automne devrait être excellent. Mais c’est la haute saison qui a connu la plus grosse progression en chiffre absolu. Le Bistro a été à pleine capacité tout l’été. » Le Café-Bistro Le Perchoir de Saint-Félix d’Otis, dont la clientèle est pourtant essentiellement locale, a aussi connu une belle augmentation. Comme l’explique la propriétaire Iris Paquette-Perreault, « on a définitivement eu plus de touristes cette année. On les a eus plus tôt et plus tard en saison. »
D’ailleurs, le camping de Saint-Félix-d’Otis et le Site de la Nouvelle-France ont tous deux connu une année record. François Déry, le directeur de la Société qui gère ces deux entreprises, est très satisfait des résultats obtenus : « En juillet et en août, le taux d’occupation du camping et des chalets était de 95%, chose qui ne s’était jamais vue auparavant. Quand on cumule les résultats du camping, du restaurant du site de la Nouvelle-France et de la boutique, on constate une augmentation des ventes de 50% par rapport à l’an dernier ! »

Surfer sur la vague… sans chuter!
Après une saison aussi achalandée, les entreprises devront s’adapter en préparation de l’été prochain. Selon Jérôme Gouron, si la tendance se maintient, « il faudra se planifier pour être en mesure de répondre encore mieux aux visiteurs. Ça tire du jus de notre personnel. D’ailleurs, je lève mon chapeau à tous les gens qui travaillent en tourisme, qui ont travaillé très, très fort cette année. Pour l’an prochain, il faudra réaménager les horaires et peut-être prévoir des embauches de plus.» Du côté du Bistro de L’Anse, on prévoit aussi déjà procéder à l’embauche de personnel supplémentaire et réaliser des investissements pour accroître la capacité du restaurant.
Sylvie Major de Fjord en Kayak croit pour sa part qu’il faut continuer de développer l’offre touristique pour répondre à cette demande : « On est clairement en manque d’hébergement et de restauration pour répondre à la demande. Aussi, si on regarde du côté de Tadoussac, il s’est développé beaucoup de boutiques. Il y aurait avantage à en avoir plus ici aussi. Mais tout ça va se développer progressivement, comme ça se fait depuis 20 ans. »
Nicholas Landry, propriétaire d’Horizon Évasion, estime quant à lui que l’offre d’activités de plein air doit continuer de se développer : « On constate un engouement pour les nouveaux produits que nous avons développés comme le safari boréal, l’introduction à l’escalade ou les excursions Shinrin-Yoku (un concept japonais de randonnée thérapeutique en forêt). Les familles qui visitent la région cherchent à faire des activités pendant leur séjour et il faut s’assurer d’avoir une offre diversifiée. »
L’organisation d’évènements a aussi un rôle à jouer pour attirer des clients supplémentaires. Comme l’indique Dolande Fortin : « Le concert pour souligner le 135e anniversaire de la statue de Notre-Dame-du-Saguenay a attiré plus de 200 visiteurs, essentiellement de l’extérieur. Ça a certainement profité à nos entreprises. » Marie-Noëlle Côté abonde dans le même sens : « On a tenu 24 spectacles cette année et on a vu l’effet que ça a eu au niveau de l’achalandage, particulièrement en basse saison. Pour certains spectacles, ça nous permet d’aller chercher des spectateurs d’un peu partout au Québec qui viennent passer la nuit à L’Anse-Saint-Jean. »
Si l’achalandage touristique accru est certainement le facteur central dans les succès obtenus dans le Bas-Saguenay, François Déry croit aussi que le dynamisme de son entreprise y est pour beaucoup : « On a vu les retombées de notre présence dans les salons cette année. On a aussi eu davantage de visites libres au Site de la Nouvelle-France suite à l’ouverture du nouveau sentier. Finalement, le fait de simplifier le processus de réservation nous a certainement amené beaucoup plus de clientèle. » Bref, au-delà des fluctuations annuelles, les entreprises qui profitent le plus de la manne sont certainement celles qui mettent le plus d’efforts dans le développement de la qualité et de l’adaptabilité de leur offre, ainsi que dans la mise en marché.
Franck Turcotte tient des propos similaires : « La conjoncture pourrait changer très rapidement et il faut éviter de s’emballer après un été exceptionnel. Il faut avant tout profiter de la manne pour améliorer nos infrastructures et adapter notre produit à l’évolution des besoins de notre clientèle. La satisfaction de la clientèle, c’est très important pour la récurrence et le bouche-à-oreille. Ensuite, il faut s’assurer de développer la notoriété de notre destination et de nos entreprises avec un plan marketing efficace. Quand la vague retombera, nos entreprises seront ainsi plus en mesure de maintenir le cap. »