Bûcher avec dignité

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Depuis la hache de pierre jusqu’à la multifonctionnelle, le bois fait partie de notre fibre culturelle. Dans le cas de notre région, on peut même affirmer « pas de bois, pas de colons ». En effet, les qualités de cette précieuse ressource sont multiples et changent d’une essence à l’autre, donnant lieu à une diversité d’utilisation ayant comme limite l’imagination.

Vous avez besoin de légèreté et de noblesse ? Le majestueux pin blanc (Pinus strobus). Vous recherchez la dureté et la résistance à l’usure ? Le célèbre érable à sucre (Acer saccharum) ou le noble Bouleau jaune (Betula alléghaniensis ou merisier). Pour la résistance à la pourriture ? Le cèdre-thuya (Thuya occidentalis) ou encore le mélèze laricin (Larix laricina). Pour la construction ? On ira avec la classique et élégante épinette blanche (Picea glauca).

Le premier lien entre l’humain et le bois est sans doute le ou la bûcheron(ne). Ce terme a parfois une connotation un peu brute, on pourrait aussi lui donner le titre d’artisan cueilleur d’arbres car, dans les faits, c’est une activité qui peut être très raffinée et remplie de subtilités physiques, intellectuelles et émotionnelles. Dans ce cas-ci, je pense surtout aux gens qui la pratiquent à une échelle humaine, prélevant une quantité raisonnable de bois sur un territoire qu’ils affectionnent. C’est bien connu, lorsqu’on aime quelqu’un ou quelque chose, on est porté à en prendre soin.

Entrons quelques instants dans l’esprit d’un cueilleur d’arbres. D’abord, il se promène tout au long de l’année dans la forêt qu’il aménage. Il observe et apprend à mieux connaître l’ensemble des éléments qui composent son territoire. Avant d’être un jardin, la forêt est un système naturel infiniment complexe et tout à fait autonome quant à son développement. L’humain ne peut qu’essayer modestement d’aménager ce milieu afin de pouvoir répondre à ses besoins sans trop nuire à l’intégrité de l’environnement auquel il a accès. Son cœur est respectueux et reconnaissant pendant que sa tête et son corps font au mieux de son savoir pour protéger la biodiversité existante. Ainsi, il planifie son chantier en ce sens. Il choisit les arbres résultant d’un compromis entre ses besoins et l’héritage qu’il laissera derrière lui.

Il sait profiter des nombreux avantages de l’hiver pour travailler en forêt. D’abord, la neige protège la vie au sol et les outils du bûcheron. Deuxièmement, on voit beaucoup mieux, vu l’absence de feuilles. De plus, il est possible de se faire de petits chemins en neige tapée, donnant accès presque partout à l’équipement de débardage. Sans compter que la majorité de la sève descend aux racines, facilitant ainsi le séchage du bois.

Il est à noter également que le froid facilite grandement le fendage des bûches ainsi que la gestion de la température corporelle du travailleur. À -25°, rien de mieux qu’un bon thé chaud, assis sur un gros billot. Le bûcheron se fait un plan d’abattage pour une meilleure ergonomie mais aussi pour minimiser les impacts sur les jeunes arbres. Aussi, il tentera idéalement d’éviter de former de grandes trouées afin de conserver une saine densité de la régénération.

Évidemment, il y a autant de façons de bûcher qu’il y a de bûcheron(ne)s. L’heure n’est pas aux jugements, mais bien au partage des multiples savoirs de tous et chacun afin de léguer à nos enfants une culture du cueilleur d’arbres reconnaissant, prudent et attentionné.

Bon chauffage de vos poêles à bois! (avec une petite pensée pour notre héritage forestier)