Un matin de décembre, j’embarque dans ma voiture. Je fais un arrêt aux Plateaux pour embarquer Marie-Hélène, puis je repars. Je tourne à gauche sur la 170, direction Petit-Saguenay. On jase de notre fin de semaine, on sillonne les montagnes, on rit. On passe le lac Long. Je jette un coup d’œil pour voir si le cormoran est là, mais il n’y est pas. Il doit être parti pour l’hiver. C’est Ève qui m’a dit qu’on peut souvent le voir là. Je ne m’en étais jamais rendu compte avant. On passe le cabanage. Je me dis tout le temps dans ma tête : « Hééé qu’c’est beau ici. » Tiens donc, on croise Ève et sûrement plein d’autres personnes qui vont travailler à L’Anse, mais elle, cherche-moi pourquoi, je la croise tout le temps, peu importe l’heure où je pars le matin.
On arrive à l’atelier de Minuit moins cinq. Nos lumières de Noël brillent déjà dans les fenêtres. On voit même notre beau sapin de Noël blanc qu’on a acheté sur Marketplace en septembre. Myriam est en train de coudre des coussins de yoga. Marie-Hélène s’installe au bureau. Aujourd’hui, je dois fabriquer des mitaines : on fait un événement vendredi, et je veux présenter de la nouveauté. Je prends une pile de chandails de laine. Je choisis quelque chose de facile, il faut que je réveille mon cerveau. Tiens, un beau lainage avec des motifs bleus et verts : let’s go, sors les patrons et les ciseaux : coupe-coupe-coupe ce beau chandail. Je lance tout haut : « Je me demande bien ce qu’il a eu comme vie, ce chandail. » mais je ne le saurai jamais, il ne parle pas! En même temps, il doit penser : « Ouf, il était minuit moins cinq pour moi. »
Marielle arrive avec les bras pleins de choses qu’elle a cousues. Elle s’installe à la surjeteuse pour faire la 16ᵉ étape de fabrication des sacs bananes. Vvvvrrrrrrrrr. Je coupe mes 18 morceaux pour faire une paire de mitaines. 9 h 55 : Maëlys allume la pancarte ouvert. La journée est partie, la boutique-friperie est ouverte, les machines cousent, et nous autres, on jase en travaillant. TACK TACK TACK! Tiens, David le forgeron vient de commencer sa production. Émile le joaillier, lui, on ne l’entend pas ces temps-ci, il fait les marchés de Noël. Je m’installe à la machine pour coudre les mitaines. Quand je couds les pouces, c’est comme si je conduisais mon char entre L’Anse et Petit-Saguenay. À la fin de ma journée, je ralentis quasiment plus dans les courbes, de couture de pouces, bien sûr.
Ding dong! Des clients entrent dans la boutique et s’exclament : « Hummmm, ça sent donc bien bon ici! » Ce sont les savons de Kathlyn qui sentent bon comme ça dans la boutique. Et aussi probablement parce qu’on lave tout ce qu’on récupère.
La journée file, et nous autres, on passe du fil. Nos mains connaissent le chemin par cœur pour transformer la matière. Ce matin, c’était des jeans et des chandails, tantôt ça va être des sacs bananes, des coussins de yoga et des mitaines.
Avec notre gang d’artisanes chez Minuit moins cinq, on fait revivre des milliers de vêtements chaque année, on fait revivre un métier qui tend à disparaître, celui de couturière, et on fait revivre la bâtisse des Ateliers Bois de Fer qui, celle-ci, faisait revivre l’épicerie du village. Si ce n’est pas de la créativité, ça, là!
Bon Trait d’union spécial artisan!