Transmettre, promouvoir et protéger le patrimoine culturel et artisanal

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Pénélope des temps modernes, me voilà sur la route à la rencontre des associations artisanes de nos villages. Je vais vous les présenter à ma façon et très humblement.

Les Cercles de Fermières du Québec contribuent à l’amélioration des conditions de vie de la femme et de la famille, ainsi qu’à la préservation et la transmission du patrimoine culturel et artisanal. Cette association est présente et active au Bas-Saguenay dans les villages de l’Anse Saint-Jean, de Petit-Saguenay et de Saint-Félix d’Otis.

Le Cercle de Fermières de l’Anse Saint-Jean (54 membres)

Présidente : Michèle Brassard, secrétaire : Danielle Duchesne et responsable des arts textiles : Johanne Saint-Pierre.

Depuis 1943, le Cercle de Fermières met de l’avant plusieurs valeurs de l’association : récupérer, recycler, travailler dans le respect et l’entraide tout en économisant. Situé dans la Petite École, le local est ouvert pour tisser, fabriquer des catalognes, laizes, doudous, serviettes à vaisselle, nappes … Un système de marrainage permet de partager le savoir et d’être accompagné dans son projet.

Le lundi après-midi, c’est tricot !  Moments privilégiés pour échanger les savoirs, aider les débutants, montrer les ouvrages en cours, organiser les activités comme le marché de Noël, choisir son prochain projet, rencontrer sa marraine de tissage et s’inscrire sur la liste du métier. C’est aussi l’heure de jaser.  Ainsi, Marcelle Côté me raconte ses débuts : « J’étais bien montrée par ma mère, à 8 ans, j’ai commencé au métier. Maintenant, j’veux pu rien savoir. Par contre, le tricot, je peux pas m’arrêter, même si j’ai mal aux bras et aux épaules. » Gemma Boudreault continue : « Au début, les métiers étaient prêtés, les femmes avec leur famille nombreuse n’avaient pas le choix, mais elles se réunissaient dans les maisons. Il y avait beaucoup d’entraide. » Et ça continue, du char allégorique de la Saint-Jean Baptiste avec tricoteuses et tisserandes plusieurs se souviennent en souriant.

Une femme discute tout en tissant sur le métier
Lors du marché de Noël, Denise Pelletier s’évertue avec enthousiasme à recruter de nouvelles Fermières.

La transmission du savoir, le partage du patrimoine sont primordiaux tant pour les connaissances textiles, artisanales que les savoirs culinaires. La présidente me confie : « Les personnes âgées sont notre trésor, afin de préserver le patrimoine Anjeannois, il faut garder trace des savoirs qui risquent de se perdre. Dans cette optique, le Cercle a publié en 1986, une brochure, Des trouvailles en héritage.  Ce sont des petits trucs, des amusements artisanaux, mais c’est aussi notre héritage. Il faut en prendre soin. Au village, on a la chance d’avoir des gens de partout qui viennent s’établir. Le Cercle de Fermières contribue à construire des liens aussi solides que nos catalognes ! »

Le Cercle de Fermières de Petit-Saguenay (47 membres)

Présidente : Esther Houde, secrétaire-trésorière : Diane Belzile, dossiers : Éliane Houde(,) et communication : Clara Lavoie.

Depuis 1942, le tissage est à l’honneur à Petit-Saguenay. Dans les premières années, les métiers se promenaient, puis les femmes ont préféré aller au Cercle. Faut dire que c’était leur seule activité sociale. Aujourd’hui encore, on y va pour le contact humain, les arts textiles et le partage. Le mardi, depuis 10 ans, il y a même une pratique de danse organisée par les femmes du Cercle. Le mercredi après-midi, c’est le café rencontre sociale tricot pour briser l’isolement. Il y a aussi des ateliers de Noël, des conférences et des cours de broderie.

Pour le tissage, le local est ouvert selon la disponibilité des membres. J’ai ainsi appris quelques étapes à suivre pour monter le métier : concevoir, préparer le plan, le patron, les couleurs, mais aussi préparer le matériel, les fils, fibres, tissus taillés ou déchirés et mis en boules. Enfin il faut ourdir, faire une tresse, mettre sur le rouleau, passer dans les lames, dans le ros, attacher le tout ! Voilà bien des étapes avant de tisser ! Les responsables de métier donnent beaucoup de leur temps et montent les métiers pour les membres qui viendront tisser ! Heureusement, Reina Gagné et Denise Lavoie sont des personnes ressources irremplaçables tant au niveau du tissage que du tricot.

une femme rit tout en apprenant le métier à tisser
Marie-Andrée Gill, nouvelle recrue du Cercle des Fermières de Petit-Saguenay

Le Cercle de Fermières de Petit-Saguenay a quelques nouvelles recrues qui viennent selon leur disponibilité, dès 6 heures le matin pour Jeannine Pelletier qui a une passion pour le tissage, mais également de jeunes mamans accompagnées parfois de leur bébé. Faut dire qu’au local, les bras de grands-mamans ne manquent pas !

Enfin, on n’oublie pas celles qui ont tracé la voie, comme Margot Pelletier et Lise Bernier qui ont donné de leur temps sans compter et travaillé fort pour le recrutement. « À Petit-Saguenay, on forme une grande famille, la générosité des membres, au niveau de leur implication, est le point fort. L’union fait la force et chacune y va de ses aptitudes. On peut dire qu’aller au Cercle, ça fait du bien, et même, que c’est une thérapie », conclut sa présidente Esther Houde.

Le Cercle de Fermières de Saint-Félix d’Otis (18 membres)

Présidente : Nathalie Simard et secrétaire : Marlène Thibeault

Le Cercle de Fermières existe depuis 1940. Situé tout en haut de l’édifice municipal, le local est chaleureux et bien éclairé. Tous les mardis s’organise une rencontre de couture et de tissage. Cinq métiers sont montés pour les membres, avec des projets différents. Les serviettes à vaisselle, les laizes et les catalognes sont à l’honneur. Les catalognes sont toutes fabriquées à partir de matières recyclées et les tissus sont taillés ou déchirés dehors en été ! C’est un art d’apprendre à monter un métier, lire un patron, mais bien heureusement, Rosanne Gagné est une excellente professeure.

Des Fermière lors d'un salon de Noël
Les Fermières de Saint-Félix lors d’un marché de Noël

D’ailleurs, le recyclage est la devise du Cercle de Saint-Félix qui axe davantage ses activités vers la couture et l’artisanat. Plusieurs machines à coudre, une surjeteuse, des tables à tailler, à repasser, des tissus bien classés, neufs ou recyclés, voilà de quoi s’inspirer pour réaliser l’un de leurs nombreux projets. Les artisanes ont su profiter des précieux conseils de Suzanne Bouchard, des cours de couture, de courtepointe, de bas de Noël et s’évertuent maintenant à inventer et rechercher le prochain projet de confection pour les Trésors de Noël. Chacune partage ses astuces et c’est un plaisir de travailler ensemble.

Nathalie Simard, sa présidente me rappelle qu’anciennement il y avait des cours obligatoires de couture et d’arts ménagers à l’école. « Aujourd’hui, on ne coud plus, on ne reprise plus, le tricot demeure heureusement, mais c’est à la maison. La première chose que j’ai apprise à 5 ans, c’est à tricoter. C’est ma passion, comme ce fut celle de ma mère et de ma grand-mère. Récemment mon garçon de 24 ans m’a demandé de lui montrer à coudre. Il est bon élève et maintenant, il coud ses boutons », dit-elle en souriant.

Le Cercle essaie de transmettre le goût de fabriquer des cadeaux artisanaux, de recycler et de minimiser les achats. Par exemple, tous les 2 ans, les membres s’impliquent dans des ateliers avec les jeunes de la maternelle à la 6e année. Les élèves voient ainsi le processus de fabrication, ils l’expérimentent et réalisent des objets dont ils sont fiers. Tout le monde aime cette collaboration qui permet de fabriquer des créations vendues aux Trésors de Noël. « La transmission des savoirs est primordiale, il faut donner le goût de créer, de fabriquer, d’être fier de donner un cadeau fait main », ajoute pour terminer la présidente.

L’Association féministe d’éducation et d’action sociale, AFÉAS de Rivière Éternité (11 membres)

Présidente : Carole Savard, vice-présidente : Pauline Gagné et secrétaire : Gilberte Gagné.

Après 4 années auprès du Cercle de Fermières, c’est en 1962 que les femmes de la paroisse rejoignent l’AFÉAS. Ce mouvement d’action sociale était alors à son apogée. Il avait pour mission d’encourager le débat et d’aider les femmes à jouer leur rôle de citoyenne tout en transmettant les arts domestiques. À Rivière-Éternité, au local de l’AFÉAS, dans le sous-sol de l’église, les femmes se réunissaient pour tisser ou tricoter. Elles ramassaient les tissus, les draps et les taillaient pour faire des catalognes, des laizes, tout en échangeant sur le rôle des femmes dans la société.

Aujourd’hui, toujours dans le même local, il y a encore 4 métiers, dont Gilberte Gagné est responsable. Le tricot se fait davantage sur une base individuelle, mais le partage des savoirs est toujours de mise. En plus de l’aide à la Fabrique et des ouvrages personnels, l’association fabrique des ouvrages de textiles qui seront mis en vente lors du Symposium des couleurs. Au village, les femmes portent fièrement leur ouvrage et sont toujours prêtes à aider ou à conseiller.

La présidente déplore le manque de relève : « La transmission du savoir des arts textiles est en déclin. Heureusement, le tricot demeure, les jeunes s’y remettent. Mon désir serait que les jeunes prennent le goût de tisser et donnent un regain à l’association. Tout s’apprend ! »

Le Groupe d’Actions Communautaires Santé Bénévole (GACSB) de Ferland-et-Boilleau (71 membres)

Présidente : Linda Vaillancourt, directrice générale : Émilie Cormier et chargée de projet : Érica Roy.

Depuis 45 ans maintenant, le village de Ferland-et-Boilleau a créé le GACSB qui accueille toutes les générations. Les projets se font autant en cuisine, tricot, couture, mosaïque, peinture et artisanat.

Tous les mercredis après-midi c’est tricot. Chacun apporte son ouvrage à moins qu’un projet commun en arts textiles (paniers de bébé, paniers de Noël, bas pour les sans-abris ou gnomes de Noël) ne soit mis en action. Les tricoteuses sont en effet impliquées dans plusieurs activités dont le but est de partager, transmettre les trucs et savoirs tout en épaulant les débutants par un système de marrainage.

Selon les demandes, des ateliers sont offerts par les artisanes qui expliquent comment faire des bas, des articles de décoration, de la broderie, de la peinture. Des activités intergénérationnelles comme le tricot, la fabrication de cartes de vœux, la soupe communautaire sont autant d’occasions d’éveiller la curiosité et le désir de créer et de partager. Lors de grands projets, l’ouvrage sort du cadre et se continue à la maison. Ainsi par extension, c’est toute la famille, parfois même, tout le village qui est mis à contribution. À Ferland-et-Boilleau, la transmission des savoirs artisanaux c’est l’affaire de tous.