Par un matin froid et lumineux, je rencontre Marina Lavoie et Michelle Brassard dans la chaleureuse ambiance du Café du Quai. Encore une belle histoire à découvrir pour le Trait d’Union ! Celle-ci débute en 1983, lorsque Louise Tremblay, la présidente des Fermières de l’Anse de l’époque, mieux connue sous le nom de madame Louise, demande à Michelle Brassard de réaliser un ouvrage sur le recyclage et la récupération.
Il faut dire qu’à l’époque de l’enfance de madame Louise, on ne jetait rien, on récupérait le linge des plus vieux pour en faire pour les plus jeunes, on détricotait, on redressait les clous, on ne se souciait pas de l’environnement, on ne connaissait même pas le mot, mais on n’avait pas le choix, il n’y avait pas de quincaillerie au coin de la rue !
Devant l’ampleur de la tâche, Gisèle Fortin et Marina Lavoie se joignent à l’aventure, celle d’aller à la rencontre de citoyens de L’Anse, essentiellement des personnes âgées. Une fois la confiance établie, une foule de récits, recettes et anecdotes s’accumulent et c’est ainsi que, sans vraiment s’en rendre compte, les trois comparses récoltent une multitude de connaissances, non seulement sur le recyclage et la récupération, mais également sur les remèdes et anciennes recettes typiquement anjenoises.
L’engagement initial est respecté avec la parution d’un premier recueil, Des trouvailles en héritage, qui rassemble des trucs et astuces pour ne surtout rien jeter. « Bien sûr, tout ce travail s’est fait bénévolement, précise Michelle Brassard, mais la chaleur humaine de ces rencontres a été pour nous notre plus belle récompense. Le deuxième ouvrage, Les trésors de L’Anse, parait en 1987. Il est empli de connaissances transmises jusque-là de bouche à oreille et qui se seraient sans doute perdues. »
Attablées devant l’immensité glaciaire du fjord, les deux amies revisitent des épisodes encore bien vivants dans leur mémoire :
- Je me souviens quand on est allées rencontrer monsieur Horace Dallaire, j’aurais passé la semaine là !
- Moi c’est chez madame Anne-Marie Houde, celle qui était aveugle, elle m’avait fait goûter du gin avec des tondreux et des rognons de castor !
- Et René Boudreault, tu te rappelles, le père à Réjean, lui il faisait de la baboche, de l’alcool frelaté ! La recette est à la fin du livre, il appelait ça du chien ! »
Vendus à l’épicerie du village, ainsi qu’au Site de la Nouvelle France, Les trésors de L’Anse ont été réédités de nombreuses fois ! S’ils ont maintenant la cote, les produits du terroir n’étaient à l’époque, pas aussi populaires. Ce groupe de femmes, – il y avait pour compléter l’équipe Anne Gaudreault et Élisabeth Miron de Petit-Saguenay qui participent respectivement à la conception des dessins et au graphisme, tandis que la correction est effectuée par Noëlla St-Pierre – était en quelque sorte très à l’avant-garde. En 1987, elles passent même à TVA durant l’émission Coup de soleil de Lison Hovington, qui devient d’ailleurs leur présidente d’honneur lors du lancement du livre à l’école Fréchette. Les trois amies ont même participé au Salon du livre de Jonquière. Il faut croire que la chaleur humaine récoltée en même temps que les recettes et remèdes donne des ailes !
Marina, et sa passion pour la cuisine, recommencerait l’aventure demain matin sans hésiter :« On a essayé presque toutes les recettes que l’on retrouve dans Les trésors de L’Anse et on y a pris vraiment beaucoup de plaisir ». De son côté, Michelle et son intérêt pour les médecines douces est tout autant enthousiaste « Ça m’a rejoint sur plusieurs points ces rencontres avec les gens d’ici, je récupère et j’ai étudié longtemps en phytothérapie, d’où l’intérêt pour les huileux de castor. » Gisèle Fortin, de son côté, c’était le contact avec les gens de L’Anse puisqu’elle est native d’ici !
La prochaine réédition sortira au début de l’été 2022. Il y sera ajouté ce poème écrit par Achille Boudreault en juin 1987, à l’occasion du lancement des Trésors de L’Anse.
À vous trois
Vous avez retrouvé, au grenier des souvenirs
Ces trésors du sablier qui attend
Tout empoussiéré dans les toiles du temps
Voulant donner l’ordre aux heures de repartir.
Vous avez replacé le sable à sa tête
Et ce qui était après devient avant
Filent les messages des grains blancs
Descendant au frimas de la fenêtre.
Que ce soit printemps que ce soit été
Que ce soit automne que ce soit hiver
Vous avez fait que le temps y soit remonté
Pour revenir y couler à l’envers.
Vous avez voulu écrire comme une lettre
À l’un de vos grands amis
Comme si vous l’auriez promis
Quel que soit l’endroit où il puisse être.
Il vous a fallu aller
Au-delà de bien des rivières
Pour cueillir, profondément rechercher
Dans les souvenirs de nos mères.
Merci d’avoir porté à notre tête
Ces trésors de notre passé
Ayant facilité la vie de nos ancêtres
Et la future nôtre, c’est espéré.