
L’année 2022 fut riche en événements climatiques extrêmes à travers le globe. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean ne fut pas en reste. Après un début d’hiver peu neigeux et tardif à se manifester, le printemps et le début de l’été furent particulièrement humides. Les 13 et 23 juin 2022, des pluies diluviennes ont causé de coûteux dégâts aux propriétés de la région suite au passage d’orages d’une rare intensité.
Ces journées ont enregistré des quantités phénoménales de précipitations. À certains endroits, c’est jusqu’à 50 millimètres d’eau qui ont été enregistrés en moins de 30 minutes. Le 31 août, un complexe nuageux en forme d’entonnoir a été observé dans la région du Saguenay. L’équipe d’experts ontariens de « Northern Tornadoes Project » confirmait la formation d’une tornade en sol saguenéen. Un événement météorologique inusité et plutôt rarissime dans la vallée. L’année s’est terminée avec une violente tempête de neige le 23 décembre propulsée par des vents de plus de 100 kilomètres par heure. Elle a drainé dans son sillage d’importants chablis, arraché des pans de toitures et privé une grande partie de la population du Québec du réseau électrique.
Pris un à un, ces événements météorologiques ne sont pas atypiques en soi. Ce qui surprend, c’est la répétition d’événements climatiques extrêmes que l’on n’observait pas avant. Situation qui concorde avec une augmentation du réchauffement de la température terrestre provoquée par le cumul des gaz à effet de serre dans l’atmosphère découlant de l’activité humaine. Ce rehaussement de la température contribue à l’emballement des systèmes climatiques globaux. Selon les chiffres de l’Organisation météorologique mondiale (OMM, 2022), la température à la surface de la terre a augmenté de 1,2 C0 depuis le début de l’ère industrielle. La science nous met en garde des dangers de dépasser la valeur de 1,5 C0. Malheureusement, ce chiffre serait atteint en 2030. Un constat est évident, l’humanité devra s’adapter aussi rapidement que la vitesse d’accélération de l’emballement climatique dans cette spirale irréversible.
Les répercussions sur les activités touristiques

Plusieurs entreprises touristiques exploitent des installations en bordure du fjord du Saguenay. Que ce soit les quais d’accueil, les sites d’hébergement ou de camping, les sentiers pédestres, les chemins d’accès pour le public ou les aménagements pour la pêche blanche. Les vents violents, de plus en plus fréquents, avec le réchauffement de la température et la montée des eaux marines, amplifient le phénomène d’érosion côtière et réduisent la période active du couvert de glace sur le Saguenay. Les gestionnaires sont donc confrontés à adapter les infrastructures riveraines impactées en les restaurant ou les déplaçant. Ces efforts d’adaptation ont leurs répercussions sur les coûts d’entretien, du maintien et du renouvellement des équipements. Ils doivent constamment ajuster leur calendrier d’activités selon les conditions météorologiques comme les forfaits en kayak de mer et les croisières sur le Saguenay par exemple. Situations qui pèsent sur la rentabilité de nombreuses activités extérieures.
La tâche est aussi ardue pour la maintenance des activités terrestres comme l’entretien des sentiers pédestres, du réseau d’accès aux parcs et des différents sites touristiques. Les nombreux chablis, récurrents depuis quelques années, perturbent l’ensemble du réseau et nécessitent de plus en plus d’interventions de nettoyage par de la main-d’œuvre spécialisée.
Les activités de glisse ne sont pas en reste. Elles se conjuguent avec des conditions météo de plus en plus erratiques. On constate des hivers de plus courte durée qui se traduisent par une variabilité et une imprévisibilité interannuelle des conditions climatiques saisonnières. Juste pour l’enneigement des pistes de ski, les opérateurs jonglent avec une problématique d’approvisionnement en eau pour leur fabrication de neige. Cet été 2022, le peu de précipitations a restreint le renouvellement de l’eau des bassins versants et amené une baisse du niveau des nappes phréatiques à des valeurs records ayant des impacts sur le volume des réserves d’eau. Situation se manifestant un peu plus chaque année. Dans un contexte de bouleversement du climat, l’enneigement des pistes s’avère plus que nécessaire au maintien et à la bonification des jours skiables. L’achalandage s’en trouve affecté ainsi que la rentabilité des opérations.
Comment prendre le virage de l’adaptation?
Les exemples précédents illustrent les défis auxquels les gestionnaires sont confrontés face à la vulnérabilité de leurs actifs. Évidemment des solutions existent en réponse à l’adaptation aux changements climatiques. Pour y voir plus clair, des études ont été commandées par Tourisme Québec avec la collaboration du consortium de recherche Ouranos. Elles sont disponibles sur internet et comportent cinq thématiques qui regroupent une diversité d’activités. Voici quelques mesures qui ont été mises en avant plan:
- Renforcer la formation et les programmes de sensibilisation auprès du personnel, des gestionnaires et de la clientèle sur l’importance d’une diminution de l’empreinte carbone et des impacts des changements climatiques sur les activités touristiques (plate-forme médiatique sur les changements climatiques);
- Favoriser les partenariats de la communauté touristique par des échanges d’informations, de connaissances sur les pratiques et faire table commune pour les demandes d’aides financières visant les projets d’atténuation et d’adaptation;
- Introduire du financement dédié aux projets d’adaptation dans la programmation de Tourisme Québec en soutien aux travaux de restauration et de relocalisation d’infrastructures;
- Diversifier l’offre touristique des stations de ski sur quatre saisons en introduisant de nouveaux créneaux d’activités comme le vélo de montagne et la randonnée pédestre;
- Procéder à une analyse de vulnérabilité de l’infrastructure touristique afin d’éclairer la prise de décisions des gestionnaires vis-à-vis des priorités à accorder pour assurer sa pérennité ou sa relocalisation.
D’autres avenues d’adaptation sont à portée de main comme les actions stimulant les alliances stratégiques, l’actualisation de l’environnement bâti et la poursuite de l’intégration de pratiques écoresponsables.
En conclusion, les solutions d’adaptation existent. Par contre, leur potentiel de réalisation est lié à la volonté et à la capacité financière des gestionnaires de sites. Un soutien financier des paliers gouvernementaux s’avère nécessaire afin d’aider les acteurs du tourisme à traverser cette impétueuse transition climatique. La communauté touristique a tout intérêt à travailler de plus en plus ensemble pour trouver les solutions adaptables favorisant la vitalité et la pérennité de l’offre touristique.