Le 28 septembre 1929 naissait Adélard Bergeron sur le chemin du Portage, dans la commune de L’Anse-Saint-Jean. Ses parents, Ulysse Bergeron et Marie-Louise Lavoie, sont arrivés à Rivière-Éternité quand il avait 5 ans, mais Adélard se rappelle très bien du 25 mai 1935, la journée du grand feu.

« Quand l’église a brûlé, il y avait beaucoup de femmes et d’enfants qui s’étaient ramassés à L’Anse-Saint-Jean avec le curé. Ça pleurait, pis ça criait, je me rappelle bien de ça. Antonio Bouchard, lui il avait un char, alors il transportait le monde. J’avais 5 ans mais je m’en souviens certain! Tout a brûlé de la Boîte à sauvages jusqu’aux côtes du pont, à L’Anse-Saint-Jean, du côté nord. Toute la montagne a brûlé. Et quand l’église a brûlé aussi, même le curé Bouchard criait! Il venait juste de la bâtir. » Et Adélard de poursuivre : « Y’avait pas grand-chose dans ce temps-là, quand tu perdais tes affaires, je vais te dire que ça brassait! Tu perdais tes animaux, tu perdais toute! À L’Anse-Saint-Jean, on est retournés dans la vieille maison qu’on avait, et mon père il s’est rebâti, il a rebâti sa maison à la même place! »
Carmelle Gaudreault, également native de L’Anse-Saint-Jean, est arrivée à Rivière-Éternité à l’âge de 10 ans. Celle qui est née le 23 mars 1935 se souvient : « Mon père Herménégilde Gaudreault était forgeron, comme son père Édouard. C’est à Rivière-Éternité qu’il a bâti sa boutique, il y avait un restaurant, le bureau de poste, une table de pool. C’est là que j’ai rencontré mon mari, on s’est fréquentés 3 ans, puis on s’est mariés dans la nouvelle église le 13 avril 1955. Ma mère Rosalie Lavoie était souvent malade, alors nous les enfants, on s’occupait de la boutique. J’ai quitté l’école à 14 ans quand ma grande sœur Diana s’est mariée et qu’elle a quitté la maison. On était 10 à table. L’école, je pouvais pas aimer ça, ma mère était malade, il fallait bien en avoir soin, et des autres plus jeunes aussi! »
Carmelle se rappelle très peu de sa vie à L’Anse-Saint-Jean, juste un souvenir est cependant resté : « On n’a jamais eu de fête à Noël, nous autres c’était le jour de l’An. Le seul souvenir dont je me rappelle de L’Anse-Saint-Jean, j’étais pas haute mais je me souviens, le dimanche après-midi, maman nous envoyait chercher un casseau de crème glacée chez Élias Boudreault, sur la rue principale. On partait avec un petit vaisseau, on allait chercher la crème glacée. »
La maison en haut des côtes où restent depuis toujours Adélard et sa femme Carmelle, la première du village quand on vient de L’Anse-Saint-Jean, elle se situe sur la terre à Ulysse, juste à côté de la maison qu’il avait bâti à l’époque. Le père d’Adélard travaillait dans le bois, il faisait des chantiers. « À 14 ans moi aussi je bûchais dans le bois. On allait d’un bord pis de l’autre, on allait bûcher là où ils avaient besoin de monde! On faisait de la pulpe. »

Par la suite, Adélard est devenu camionneur artisan, il charriait du bois, de la pierre, du sable, l’hiver c’était la pulpe, il se promenait partout dans le comté de Dubuc : « C’était mon camion, j’étais travailleur autonome. J’ai élevé ma famille avec ça! On travaillait fort, mais mes enfants ont jamais chômé d’argent! Dans les années 60, la nouvelle route 170 de La Baie jusqu’à Petit-Saguenay, j’ai travaillé sur ça aussi. On a fait le fond de la route, la vieille route, la route 16, elle était à part, ils l’ont changée de place ! Nous autres, on charroyait du sable, on enlevait de la cochonnerie, l’hiver on charroyait de la pulpe pour la Console. »

Carmelle et Adélard ont six enfants, 14 petits-enfants, et 20 arrière-petits-enfants … le 21e s’en vient en décembre. Adélard a arrêté de chasser à l’âge de 86 ans, mais toute la famille prend la relève. « On aime le lièvre, la perdrix et l’orignal. La tourtière, ils ont été élevés avec ça mes enfants ! » souligne Carmelle. « Mon mari chassait dans le coin du 4e, le lac à Denis. Il montait par le rang de la rivière, il continuait dans le bois et de là, il pouvait rejoindre L’Anse-Saint-Jean par Périgny. » raconte celle qui est allée juste une fois dans sa vie à Québec avec la famille.
Le dimanche, Adélard partait à la pêche, « j’avais pas le temps d’aller ailleurs! Je me rappelle quand je suis arrivé ici. Ensuite je me souviens de ma première machine, un Dodge ! J’avais 17 ans. »
Une vie c’est long mais ça passe encore assez vite !
« Nous autres, ça va faire 66 ans qu’on est mariés, mais j’ai l’impression que c’était hier. Sûrement parce que j’ai jamais eu de misère. Quand mes enfants étaient assez grands, qu’ils se gardaient tout seuls, on aimait faire de la motoneige. On allait à la messe le samedi soir et après, on partait dans les chemins du syndicat, vers le lac à Denis. Ça coûtait pas cher dans ce temps-là, 5 piastres de gaz et tu allais loin. On avait un petit chalet et bien souvent, on allait coucher là ! » raconte Carmelle qui avait sa propre motoneige même si elle n’a jamais eu de permis!
Après ça, Adélard s’est ouvert une sucrerie en arrière de la maison, sur ce qui est devenu les terres du Parc. « On l’a eue 13 années. On avait loué la terre au gouvernement. J’avais proposé au Parc d’utiliser le camp quand il y avait du monde. Il suffisait d’allumer le poêle et de faire attention au feu par exemple! Mais ils l’ont laissé à l’abandon, la couverture vient juste d’écraser d’un bord! » La dernière année, ils ont sorti 63 gallons de sirop avec environ 1000 entailles. La famille participait, les enfants ont tous appris à faire du ski là! « Mais on a dû partir, alors on s’est acheté un terrain avec une roulotte et on a fait 27 ans de camping dans le bois, sur le sentier Gagné. C’est la première année cette année qu’on n’y va pas, depuis 1992 … c’est pas facile ! »