La tradition orale garde vivantes les histoires des premières familles d’un village. De génération en génération, on se transmet des anecdotes qui parfois deviennent des légendes. Voici l’histoire du Trou de la Vieille, ça se passe du côté du Petit Lac Ha!Ha! dans les années 1880.
Elle nous parle d’une femme d’origine autochtone, son nom change selon les documents consultés, on la nommait Devie, Ludivine ou Delvie, Derie parfois aussi, et pour son nom de famille, ce serait Guy ou Guay, dépendant. Ce qui est certain, c’est que c’était la femme à Tobie Gagnon, il l’avait rencontrée dans une tribu et l’avait ramenée chez lui pour la marier.
« C’est une histoire qui n’est pas contée souvent, elle n’est même jamais contée, pourtant ça fait plus de 140 ans qu’elle vit dans la mémoire des Gagnon, » confie Sylvie Gagnon, ancienne directrice générale de la municipalité de Ferland-et-Boilleau. « À ce qu’on m’a raconté, le grand-père à mon père, Tobie Gagnon, il gardait au Petit Lac HaHa! et sa femme, elle savait où le poisson se trouvait, elle savait repérer les endroits les plus poissonneux. Du coup tout le monde, encore à l’heure actuelle, perpétue la tradition et annonce fièrement : on va aller pêcher au Trou de la vieille. Ce coin est même nommé sur les cartes au Petit Lac Ha!Ha! en l’honneur de mon arrière-grand-mère ! Elle trouvait tellement de poissons qu’on disait qu’elle remplissait sa chaloupe à tout coup ! »
Delvie ou Dérie, son nom a certainement été francisé et ainsi transformé, ne parlait pas beaucoup et restait très mystérieuse. Elle est née en août 1848, on ne sait pas de quelle tribu elle venait, mais on sait que c’est elle qui montrait à ses garçons comment tirer. Tobie lui est né en juillet 1850, il était sans doute toujours parti, comme tous les coureurs des bois!
« Tobie Gagnon, il portait le même nom que son père et restait au lac des Cèdres, tout seul avec sa famille, ils étaient un peu sauvages. Léonce mon grand-père, le fils de Tobie, me racontait souvent l’histoire de son père, de comment il avait rencontré sa femme qu’il aurait connue dans une tribu avant de partir avec… comme j’étais romantique et souvent chez mes grands-parents, j’aimais me faire raconter cette histoire, » se souvient Sylvie Gagnon.
C’est au cours de la deuxième moitié du 19e siècle que le chemin de La Baie a été construit. Ce parcours était, à l’époque, le seul qui reliait La Baie (Saguenay-Lac-Saint-Jean) à Saint-Urbain (Charlevoix). Pour traverser le Petit Lac HaHa!, il fallait prendre un bac relié à l’autre rive par une corde et des poulies. Sur le chemin de halage, des chevaux tiraient les embarcations. Et c’est Tobie Gagnon qui s’en occupait. « La route entre St-Urbain et La Baie, c’était le chemin emprunté par les autochtones, on l’appelait la route des sauvages. Mes arrière-grands-parents étaient installés là, le long du chemin, du côté du lac des Cèdres, mais ils étaient tout seuls, jamais d’autres familles se sont installées là. Mon arrière-grand-mère est morte depuis belle lurette, mais on parle encore du Trou de la Vieille … on parle encore d’elle du côté des Gagnon, même si on ne sait pas son nom ! »