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C’est au commencement de leur troisième année de production que nous venons à la rencontre de la ferme des Paysans du fjord. Avec la vue imprenable sur le fjord, on se retrouve immergé dans l’immensité de l’endroit. Situé dans l’écohameau de St-Félix-d’Otis, cette micro-ferme écologique bourdonne d’idées et prend racine dans sa communauté. Leur devise : « Pas de pays sans paysans! »; un mouvement qui s’inscrit dans les fermes du Bas-Saguenay.
Voici ici un portrait de cette initiative inspirante, un jardin des possibles à saveur diversifiée.
Un rêve devenu réalité
Le projet des Paysans du fjord est né de la rencontre spontanée et improbable de deux passionnés. Il y a de cela 4 ans, Kevin et Jérôme construisaient les bases de leur projet aux valeurs communes : Façonner une ferme où la résilience alimentaire est au cœur de la communauté. « On a des voisins qui ont assisté à toute la succession de vocation de ce terrain : de la génération d’agriculteur de subsistance à la forêt qui a repris après l’abandon des terres, jusqu’au retour de la nouvelle génération dans les champs avec l’agriculture de résilience », explique Jérôme en repensant à l’achat du terrain.
Kevin nous partage ses souvenirs de « l’année 0 » du projet : « On est partis de rien et on a construit une grange : un mélange d’ambition, de naïveté et de grandes amitiés. Intense, mais pas le temps de s’ennuyer! ». Il renchérit que c’est l’optique d’un projet pérenne, qui traversera les époques: « de penser que la grange pourrait être encore debout dans 100 ans! » Pour eux, cet endroit comble absolument tout ce dont ils avaient besoin : une communauté de proximité, un paysage à couper le souffle dans une perspective agrotouristique, un équilibre entre champs, mer, forêt et montagnes, un lieu sauvage, entouré de nature et hors de toutes monocultures pouvant venir influencer l’écologie du lieu. « En agriculture, c’est pas évident de trouver ça », appuie Jérôme.
Biodiversité des passions
À travers toute la diversité qu’apporte la micro-ferme, il y a celle créée par cet écosystème, mais également celle qui permet l’expression des multiples passions des gens qui y habitent et s’impliquent. Depuis deux ans, après avoir rencontré Jérôme sur les toits enneigés de Québec, Alexandre rejoint le projet : « J’étais justement en train d’écrire mon plan d’affaires à l’école d’agriculture, quand, une semaine plus tard, l’offre d’emploi sortait. » Pour ce nouveau co-propriétaire, c’est l’occasion de s’enraciner dans la culture maraîchère, de rejoindre un projet partageant des valeurs communes et de rendre accessibles des produits de qualité à tous, autant qu’à lui-même.
En s’occupant du volet légumes, Alex permet à Kevin et Jérôme de se diversifier et de s’épanouir dans leurs passions. « Comme travailler le bois avec ses mains, la cuisine et la transformation apportent une connexion créative avec les aliments », explique Kevin qui vise la floraison de son côté créatif et artistique à travers le projet. Jérôme quant à lui développe l’élevage animal : « C’est quelque chose qu’on oublie souvent dans l’agriculture à petite échelle. Mais personne mange juste des légumes. » Pour lui, on va rejoindre plus de gens en leur permettant d’avoir accès à ces produits locaux, durables et éthiques. « Ici, ce sont les cochons qui ouvrent les jardins! Ça fait partie d’un tout qui entre dans un cycle de fertilité du sol. » À travers leurs passions diversifiées, la ferme des Paysans du fjord s’inscrit dans une vision permaculturelle où toutes les actions posées s’inscrivent dans un cycle. « C’est aussi la communauté et le contexte d’être en équipe qui te fait en apprendre sur toi et qui te fait grandir. Cela inclut le lien unique que tu bâtis en entrant en connexion avec les gens qui achètent nos produits et qui viennent nous visiter. »
Les paysans, créateurs de paysage – variation sur le thème floristique
En regardant ses jardins, le fjord et les étages infinis de montagnes, Jérôme émet l’idée que les agriculteurs sont les gardiens du paysage. Ces derniers permettent souvent de préserver un patrimoine paysagé qui caractérise le territoire : les vielles granges, les clôtures en bois bordant les fossés ou bien les grands arbres solitaires des champs. Tous ces éléments ont une grande importance puisqu’ils rendent la beauté accessible en ouvrant de nouveaux horizons. Pour Alex, tout cela prend son sens dans un environnement à caractère boréal et dans une perspective agrotouristique. Kevin renchérit en présentant une flore invisible mais tout autant significative: « On veut avoir un impact positif sur la flore intestinale des citoyens sur la communauté bas-saguenéenne avec nos produits! » Tout simplement, les Paysans du fjord invitent les épicurieux dans un lieu qui rassemble en « transformant un lopin de terre en véritable jardin d’Éden ».
Cultiver des idées florissantes
Ici les babines suivent les bottines et ça continue de rêver : « l’une des raisons pour laquelle le projet se nomme Les Paysans, c’est qu’on veut que ça regroupe plein d’aspects de la paysannerie », témoigne Jérôme.
Pour les trois, ce qui est important, c’est de garder un équilibre de vie et de solidifier la communauté autour du projet de la ferme. Pour Alex, cela s’exprime ironiquement par une certaine liberté. « Dans l’optique où la communauté de la ferme grandit, plus on est une famille, plus on se fait confiance, plus on peut partager la ferme. Avec le temps, ça devient de plus en plus vrai », appuie Jérôme. Dès l’année prochaine de nouveaux projets s’ajouteront à la ferme, diversifiant la petite surface tout en complémentarité. Enfin, ce projet résilient, accueillant de nouvelles idées florissantes à saveurs paysannes, nous invite à venir prendre le temps, mais surtout à profiter de la vie.