Le premier méchoui des agriculteurs et agricultrices de Petit-Saguenay

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Renée-Claude Morin lance l’ouverture de l’évènement (crédits photos : Julie Duval)

 

Entrevue avec Renée-Claude Morin, réalisée par Juliette Charpentier

C’est dans un paysage fraichement enneigé que j’ai pris la route du rang Saint-Antoine à Petit-Saguenay. Je me suis rendue tout au bout du rang pour rencontrer Renée-Claude Morin, copropriétaire de la ferme laitière Janijack. Ma mission ? En apprendre plus sur le méchoui des agriculteurs et agricultrices de Petit-Saguenay, qui a eu lieu à l’action de Grâce, ici même à la ferme de la famille Morin. Nous nous sommes installées dans son petit bureau vitré bien organisé. Derrière moi, les vaches se reposaient, à ma droite je pouvais voir une panoplie de jeunes chats jouer autour d’un ballot de foin et entre nous, Quick, le chien de la ferme, avait bien l’intention de profiter de la rencontre pour se faire flatter. C’est ainsi, bien entourées, que nous avons pu commencer notre discussion.

La famille Morin a été dans les premières à arriver à Petit-Saguenay, à défricher les terres et à vivre de l’agriculture. Renée-Claude et son frère Francis sont la 4ème génération à travailler sur la ferme. Leur autre sœur et leur maman, qui a travaillé fort pour pouvoir transférer la ferme à ses enfants, travaillent toutes les deux à la laiterie de La Baie. C’est donc toute la famille qui est impliquée dans la production et la transformation du lait.

La petite graine dont a germé l’idée du Méchoui a été plantée sur leur terre en décembre 2021. « Nous autres à toutes les années, au lieu de se faire un party d’employés, on s’achète un panier d’alcool au début du mois de décembre et on se prend un verre avec tous les intervenants qui viennent à la ferme au courant du mois » m’explique l’agricultrice. Ces intervenants peuvent être le vétérinaire, la nutritionniste, le représentant de garage ou encore leurs collègues agriculteurs qui passent ponctuellement. Cependant, en décembre dernier, le format changea un petit peu. Plutôt que de voir leurs collègues un par un, la ferme Janijack avait organisé un après-midi pour que tous puissent trinquer ensemble. Le rassemblement fut une réussite, alors « avec Denis Simard on s’est dit qu’on devrait faire un méchoui à la fin de l’été avec tous les autres agriculteurs », me raconte Renée-Claude. « J’ai relancé l’idée en mai, quand on a eu notre rencontre de dîner-discussion entre agriculteurs avec la municipalité. Presque tous les producteurs étaient à l’aréna, donc c’était facile de les inviter ». La jeune agricultrice, faisant partie de la nouvelle génération de producteurs de Petit-Saguenay, est fière que l’idée ait germé sur sa ferme. Ça lui tenait à cœur de montrer qu’il n’y avait pas juste le travail dans la vie d’un agriculteur et que les petits plaisirs, les à-côtés, ne sont pas à négliger.

De belles tablées ont été rassemblées lors de ce premier méchoui.

Le méchoui a été planifié pour l’action de Grâce, après la grosse période de travaux aux champs, qui est justement la fête pour rendre grâce à toutes les récoltes et l’abondance. Une fois la date fixée, un petit comité organisateur se forma autour de Renée-Claude, composé notamment de son frère, d’Éliane Girard, de Guy Houde et de bien d’autres.

« Avec l’aide d’un petit peu tout le monde finalement, on a réussi à mettre en branle le méchoui », conclut l’agricultrice. Aussi, cet évènement n’aurait jamais pu voir le jour sans les nombreux commanditaires qui ont généreusement supporté le projet.

À l’initiative de la fromagerie Saint Fidèle, qui a proposé de leur offrir une commandite, Renée-Claude s’est rendu compte que pour pouvoir inviter la famille et les employés de chaque agriculteur, ça allait prendre une aide financière. « En l’espace de trois semaines on a réussi à accumuler plus de 2 000$ de commanditaires. Tout le monde voulait participer. On se sentait comme si on était important, ça a fait du bien », me confie-t-elle. Un chapiteau de l’aréna fut installé, avec l’aide des cols bleus de la municipalité, dans la cour de la ferme pour éviter de déranger les animaux à l’intérieur du bâtiment. « C’est beaucoup d’organisation le avant et le après quand t’es la ferme hôte, mais je suis contente qu’on ait ouvert le bal parce qu’on va être capables d’aider la prochaine ferme hôte avec l’expérience acquise. »

Francis et Diane Boudreault, propriétaires des Cerfs rouges de Saint-Étienne, cuisiniers en chef de ce premier évènement.

Le samedi 8 octobre 2022 donc, les invités pouvaient arriver dès l’après-midi puisque les pièces de viande (porc, bœuf et cerfs rouges de Saint-Étienne), se faisaient cuire tranquillement depuis midi. Tout était déjà installé. Il y avait des collations et une structure gonflable pour les enfants. Après ça, en fin d’après-midi, ceux qui devaient rentrer pour faire leurs ouvrages sont partis, sont allés se laver, puis ont pu revenir. C’était l’avantage d’être proche de chez eux. Les autres invités, ceux qui sont restés, pouvaient se promener dans la ferme pendant la traite et poser des questions. Le souper a ensuite été servi rapidement, autour de 19h, pour éviter que ça refroidisse, puis les prix des commanditaires ont été tirés au sort et il s’avère que chaque couple présent a pu repartir avec un cadeau. Enfin, la soirée a suivi son cours jusque sur la piste de danse.

Renée-Claude souhaiterait que l’évènement se poursuive, en changeant de ferme hôte chaque année, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que tout le monde a eu du plaisir. C’est rare que les agriculteurs puissent, tous ensemble, « prendre un verre, se calmer les nerfs et juste en profiter ». De plus, ce genre d’évènement permet « d’en savoir plus sur la ferme hôte ». En effet, tous les invités se connaissent parce qu’ils sont agriculteurs ou gravitent autour de ce métier sur le même territoire, mais ils ne connaissent pas l’histoire de chacun. Elle espère donc qu’en ayant mis beaucoup d’efforts dans cette première édition, les gens se soient rendu compte de l’utilité d’un tel évènement et se proposent pour l’accueillir chez eux. « Durant la soirée, j’ai entendu beaucoup de « moi ça m’fait peur d’organiser ça, on ne pourra jamais l’organiser comme ça ». Pis, effectivement c’est bien d’trop gros pour la ferme qui reçoit de tout aller chercher les commanditaires et organiser l’évènement », affirme Renée-Claude. « C’est pour ça que je propose qu’il y ait un comité qui aide la ferme hôte à aller chercher les commanditaires et à faire les commissions, mais qu’elle puisse créer l’évènement à sa manière ».

Pour la forme, le méchoui semble une formule qui plait à tous. Elle souligne que « c’est un souper qui est quand même luxueux. C’est un repas qui met en valeur de belles pièces de viande et des savoir-faire. Certains producteurs ont même déjà proposé que leur viande soit sur le grill pour l’année prochaine ». Ainsi, chaque année, un produit local et de qualité pourrait être mis à l’honneur. En tant qu’agricultrice, Renée-Claude a un rapport important à l’alimentation. Elle me confie qu’elle est capable de fournir à sa famille des repas qui viennent intégralement de son coin. Cela se traduit aussi par une volonté de livrer un produit qui est toujours de qualité : « Ce n’est pas vrai que nous autres les agriculteurs on travaille d’arrache-pied pour envoyer des produits médiocres, comme c’est parfois dénoncé sur les réseaux sociaux. C’est pour ça que ce méchoui, j’y tenais !

C’était important de se rassembler, sortir de notre roue quotidienne, peut-être briser l’isolement de quelqu’un, prendre le temps de se féliciter de ce qu’on apporte et profiter de ce qu’on produit nous-mêmes. »

Finalement, ce méchoui ce n’était pas qu’une fête de l’Action de Grâce, mais une fête pour et par eux, les agriculteurs et agricultrices de Petit-Saguenay, ces personnes qui remplissent nos assiettes 365 jours par année. « En tous cas, en mettant cette fête au calendrier, je ne dis pas guérir personne, mais j’dis quand même que ça apporte un p’tit peu de bonheur », finit par me dire Renée-Claude.