Quand on parle du Bas-Saguenay, les gens jasent de ses montagnes, de son fjord, de ses rivières, de ses saumons, de à quel point c’est loin et à quel point c’est beau, mais peu de personnes mentionnent sa communauté de femmes inspirantes. Pourtant, à mon arrivée dans la région, c’est ce qui m’a le plus marquée. Chaque jour qui passait, je découvrais une nouvelle entrepreneuse, une nouvelle visionnaire, une nouvelle courageuse, une nouvelle passionnée, et je prenais ainsi conscience de l’étendue de ce groupe de femmes.
Je ne pourrais pas toutes les nommer, car je suis encore à l’orée de ce réseau. Je pourrai tout de même vous parler de celles dont j’ai croisé le chemin et ainsi mettre en lumière les liens invisibles qui les unissent. De par leur créativité et leur audace, ces femmes m’ont procuré un vent de fraîcheur. Grâce à leur accueil et leur générosité, elles ont réchauffé mon hiver avec une chaleur humaine.
Les premières qui me viennent à l’esprit sont des entrepreneuses qui pratiquent la massothérapie. L’une a eu l’audace et le courage de reprendre ses études pour changer sa vie et l’aligner avec ses besoins profonds. La deuxième accumule les emplois avec un sourire permanent, sans jamais se plaindre. La dernière est fascinante lorsqu’elle danse et il s’avère qu’elle virevolte aussi parfois derrière une machine à coudre aux anciens Ateliers bois de fer. Si vous passez devant, au cœur du village de Petit-Saguenay, vous serez touché par une créativité et une joie contagieuses.
Pour accessoiriser les tenues qu’elles confectionnent, vous pourriez vous rendre dans la vallée voisine et vous procurer de magnifiques boucles d’oreilles créées de toute pièce par des Rebelles venues des bois. Je parle bien de ces boucles d’oreilles que vous retrouvez dans à peu près toutes les salles de bain de n’importe quelle femme de la région. Ces Rebelles fabriquent aussi des tableaux. D’ailleurs, en sortant du village de l’Anse-Saint-Jean, vous pouvez vous arrêter à l’Auberge à côté du petit fumoir. Vous y verrez un bel exemplaire dans la salle du restaurant, géré par une autre femme consciencieuse et travailleuse de cette communauté.
Dans la boutique des Rebelles, vous pourrez aussi trouver de la poésie décomplexée éditée par La Peuplade. Une des plumes qui a rempli ces pages blanches est celle d’une icône de la poésie autochtone québécoise contemporaine qui rédige paisiblement installée au Bas-Saguenay. Aux côtés de cet ouvrage, vous trouverez peut-être une allégorie nordique. Ce livre aura, lui, été illustré par une femme qui a un grand jardin défriché à Ferland-et-Boilleau.
Dans la cuisine de cette agricultrice qui aime sortir des sentiers battus, vous pourriez même y croiser la rédactrice en chef de ce journal et toutes les autres contributrices qui réfléchissent au thème du prochain numéro. D’ailleurs, les photos de pêche blanche de ce numéro ont été capturées par une saguenoise. Ses paroles, ponctuées de chansonnettes, vous donneront sûrement l’envie de danser ou d’aller aux évènements qu’elle organise au Bas-Saguenay. Sur le comptoir de sa cuisine votre regard pourrait être attiré par une théière jaune, avec un manche en bois flotté. Un objet d’art que certaines personnes n’osent même pas utiliser par peur de rayer ou d’abîmer le travail de la talentueuse potière qui l’a créé.
Je pourrais continuer à peindre le portrait de toutes ces femmes, mais cette page ne serait pas assez vaste. Nous aurions au moins besoin de nous rendre sur le fjord en kayak, puis de courir en montagne auprès de chiens et de loups.
Finalement, un mois après mon emménagement au Bas-Saguenay, j’ai trouvé cette communauté tellement inspirante que j’en ai fait le sujet d’une lettre envoyée à ma sœur pour ses 30 ans. Un cadeau accompagnait cette lettre : une pochette banane en velours marron sur lequel un morceau de cuir est marqué des initiales « MMC ». Ainsi, même à Paris, ma sœur porte aujourd’hui la force et l’énergie que lui procure l’emblème officieux de la communauté des femmes du Bas-Saguenay.