L’histoire de la colonisation du Bas-Saguenay s’est construite dans la forêt. La compagnie des 21 débarque à la fin mai 1838, et déjà à l’automne de la même année, les premiers moulins à scie sont en service. Que ce soit à l’Anse au cheval à Petit-Saguenay ou du côté du camp de pêche des Price à L’Anse-Saint-Jean, l’activité forestière commence son parcours sur le territoire.
En 1870, on dénombrait 11 moulins à scie, juste dans la municipalité de L’Anse-Saint-Jean. De cette grande époque il ne reste qu’un moulin. Il est situé à l’entrée du rang de Périgny et son propriétaire, Serge Thibeault, le fait toujours fonctionner avec beaucoup d’attention.
« Mon grand-père Grégoire Thibeault avait un moulin à scie. Et ensuite, c’est mon père avec ses frères qui l’ont fait fonctionner. Dans ce temps-là, les gens ils faisaient le syndicat, comme on disait. Le moulin était installé en haut des chenaux, je me rappelle j’avais 4 ans pis je regardais toujours sortir le bois. On avait un camp en face du moulin et les gens du syndicat, ils nous amenaient leur bois avec des chevaux. Dans ce temps-là, le moulin il roulait sur deux quarts ! Un quart de nuit et un quart de jour ! » se souvient Serge Thibeault.
Le travail au moulin n’était pas toujours facile, c’était même la grosse misère de travailler dans le froid, de nuit sur la coupe, et pas toujours très payant. 6 piastres du 1000 pieds de bois scié, dans une bonne journée, on en sortait 10 000 pieds. Et avec ça, il fallait payer les hommes et garder le moulin en condition.
Quand Bernard Thibeault, le père de Serge se décide à vendre le moulin, il n’en reste alors plus que deux à L’Anse-Saint-Jean, celui d’Ernest Boudreault, en arrière de l’église et celui de Guy Perron, en face du garage des Gagné. C’est ce dernier que Serge a acheté il y a un peu plus de vingt ans maintenant.
« Quand je l’ai acheté à monsieur Guy, je savais plus trop comment ça marchait moi un moulin, ça faisait un boute que j’avais pas fait ça! Il m’a dit, c’est pas grave, j’vas te décoller ! On l’a installé tous les deux, en 1993, j’avais pris un mois de vacances. »
Celui qui perpétue en quelque sorte la tradition familiale, voire même celle d’un village, sait bien que les trucs du métier s’apprennent avec les anciens. « Avec les gros biaux, faut que tu te serves de ta tête, sinon c’est impossible. Quand j’ai acheté mon moulin, il fallait que je me fasse une base et j’avais besoin d’un morceau de 18 pieds de long, 10X12. Monsieur Jean-Marie Houde, il était venu m’aider avec son tracteur, et moi je capotais, je me disais comment on va transporter ça ! Il me disait : on force pas après ça ! Petit bout par petit bout … j’ai appris gros avec lui. Aussi, j’ai commencé avec mon parrain Gaspard, ce monde-là, tu les regardais bûcher, c’était d’une beauté ! »
Les moulins comme celui de Serge passaient leur temps à se promener d’un chantier à l’autre. À l’époque, ils appelaient ça des moulins portatifs et on les déménageait avec des chevaux, et puis plus tard avec des snow mobiles. Comme il y avait deux équipes de quart sur les moulins, pendant qu’une continuait de scier, l’autre allait préparer la base pour le nouveau chantier.
Et celui du grand-père Grégoire, qu’est-il devenu ? « Il est d’abord allé à Ferland-et-Boilleau, puis il s’est rendu à Shipshaw. Maintenant c’est un gars de Saint-Félix qui l’a acheté ! Un beau dimanche, je suis allé le voir, c’était bien le moulin de mon grand-père et j’ai vu qu’il était très bien installé. »